La décision commentée
La compensation légale est un mécanisme qui permet l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. En cas de cession de créance, la question se pose de savoir à quel moment la compensation peut s’opérer au profit du cessionnaire, notamment lorsque le débiteur cédé fait l’objet d’une procédure collective. Dans un arrêt du 23 octobre 2024 (Com., 23 octobre 2024, n° 23-17.704), la Cour de cassation vient préciser les conditions dans lesquelles la notification de la cession au débiteur doit intervenir pour que la compensation puisse avoir lieu, au regard des dispositions du Code civil et du Code de commerce. Cette décision apporte un éclairage bienvenu sur l’articulation entre les règles de la compensation légale, de la cession de créance et du droit des entreprises en difficulté.
En l’espèce, deux sociétés, Trimax développement et Espace conseil, avaient obtenu la condamnation de la société Ecossev à leur payer des dommages et intérêts par un arrêt devenu irrévocable le 24 mars 2017. Le 29 mai 2019, elles ont cédé leur créance à la société Triel Seine Amont, dont la société Ecossev était par ailleurs associée. Le 25 juillet 2019, la société Ecossev a été placée en liquidation judiciaire. Ce n’est que le 29 juillet 2019, soit après l’ouverture de la procédure collective, que les cessions de créances lui ont été notifiées.
Un litige a ensuite opposé le liquidateur de la société Ecossev à la société Triel Seine Amont. Le premier réclamait à la seconde le paiement du solde du compte courant d’associé de la société Ecossev, tandis que la société Triel Seine Amont entendait se prévaloir d’une compensation de cette dette avec les créances qu’elle avait acquises le 29 mai 2019. La cour d’appel de Versailles avait accueilli cette exception de compensation, considérant que les conditions de la compensation légale étaient réunies dès le 29 mai 2019, soit avant l’ouverture de la procédure collective.
C’est cette analyse que vient censurer la Cour de cassation au visa des articles 1324 et 1347 du Code civil, ainsi que des articles L. 622-7 et R. 621-4 du code de commerce.
La Haute Juridiction rappelle qu’il résulte de la combinaison de ces textes que la compensation légale ne peut s’opérer au profit du cessionnaire du chef d’une créance cédée qu’après la notification de la cession au débiteur, et que cette notification doit impérativement intervenir avant le jugement d’ouverture de la procédure collective du débiteur, lequel prend effet dès le jour de son prononcé.
Or, en l’espèce, la cession de créance n’avait été notifiée à la société Ecossev que le 29 juillet 2019, soit postérieurement à l’ouverture de sa liquidation judiciaire le 25 juillet 2019. Dès lors, la créance cédée ne pouvait être compensée de plein droit avec la créance de la société Ecossev à l’encontre de la société Triel Seine Amont. En jugeant le contraire, la cour d’appel a donc violé les textes susvisés.
Cette décision vient utilement préciser les conditions de la compensation légale en présence d’une cession de créance, dans le contexte particulier de l’ouverture d’une procédure collective.
Elle rappelle en premier lieu que si la cession de créance opère le transfert de la créance dans le patrimoine du cessionnaire dès la date de la convention, elle n’est opposable au débiteur cédé qu’à compter de sa notification (ou de son acceptation par acte authentique). C’est donc seulement à compter de cette notification que la créance cédée peut être compensée de plein droit avec une dette du cessionnaire envers le débiteur cédé, la réciprocité des obligations étant une condition essentielle de la compensation légale.
Mais l’arrêt va plus loin en affirmant que cette notification, pour permettre la compensation, doit impérativement être antérieure à l’ouverture de la procédure collective du débiteur cédé. En effet, le jugement d’ouverture emporte, dès son prononcé, interdiction de payer toute créance née antérieurement, sauf compensation de créances connexes. Cette règle, d’ordre public, fait obstacle à toute compensation après le jugement d’ouverture, y compris du chef d’une cession de créance qui n’aurait pas été notifiée à temps.
Que faut-il retenir ?
À quel moment la compensation légale peut-elle s’opérer au profit du cessionnaire d’une créance ?
La compensation légale ne peut s’opérer au profit du cessionnaire que si la cession de créance a été notifiée au débiteur cédé. C’est seulement à compter de cette notification que la réciprocité des obligations, condition essentielle de la compensation, est établie.
Que se passe-t-il si le débiteur cédé fait l’objet d’une procédure collective ?
Si le débiteur cédé fait l’objet d’une procédure collective, la notification de la cession doit impérativement intervenir avant le jugement d’ouverture. À défaut, la compensation ne pourra plus s’opérer après le jugement d’ouverture, qui emporte interdiction de payer les créances antérieures.
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