L’arrêt commenté
La déclaration des créances est une étape fondamentale des procédures collectives. L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 a instauré une présomption de déclaration lorsque le débiteur porte une créance à la connaissance du mandataire judiciaire (C. com. art. L. 622-24). Cependant, la portée exacte de cette présomption suscite des interrogations, notamment quant à ses effets sur la prescription de la créance. Dans un arrêt du 11 décembre 2024 (Com., 11 déc. 2024, n° 23-13.300), la Cour de cassation précise que si la mention d’une créance fait bien présumer sa déclaration, elle ne peut en revanche constituer une renonciation tacite à la prescription.
En l’espèce, un créancier avait déclaré une créance de plus de 1,4 million d’euros, contestée par le mandataire judiciaire comme prescrite. Face à la saisine du tribunal par le créancier, le juge-commissaire s’était déclaré incompétent au vu d’une contestation sérieuse. La cour d’appel avait ensuite déclaré l’action du créancier prescrite, malgré la mention de sa créance sur la liste remise par la débitrice au mandataire judiciaire. Le créancier s’était alors pourvu en cassation.
La Cour de cassation pose un principe clair. Si la mention d’une créance par le débiteur fait présumer sa déclaration par le créancier dans la limite de l’information transmise, elle ne peut en revanche établir sans équivoque la volonté du débiteur de renoncer à la prescription.
Cette solution se justifie pleinement :
– La présomption de l’article L. 622-24 vise à simplifier les déclarations de créances et sécuriser les créanciers, sans pour autant modifier les droits des parties au fond.
– Admettre qu’elle emporte renonciation à la prescription réduirait excessivement les droits du débiteur, en le privant d’un moyen de défense essentiel. Cela serait d’ailleurs difficilement conciliable avec l’absence d’effet interruptif de la déclaration de créance sur la prescription (C. com. art. L. 622-25-1).
– L’arrêt s’inscrit dans le prolongement de décisions récentes jugeant que la mention d’une créance ne vaut pas non plus reconnaissance de son bien-fondé par le débiteur.
Que faut-il retenir ?
Quels sont les effets de la mention d’une créance par le débiteur sur sa déclaration ?
Cette mention fait présumer la déclaration de la créance par son titulaire, dans la limite de l’information transmise au mandataire judiciaire (C. com. art. L. 622-24). Le créancier est ainsi dispensé d’avoir à déclarer lui-même sa créance.
La mention d’une créance par le débiteur vaut-elle renonciation à lui opposer la prescription ?
Non, la seule mention de la créance, si elle fait présumer sa déclaration, ne peut établir sans équivoque la volonté du débiteur de renoncer à la prescription (C. civ. art. 2250 et 2251). Le débiteur conserve donc la faculté de soulever la prescription, sauf renonciation certaine par ailleurs.
Quels enseignements tirer de cette décision pour la pratique des procédures collectives ?
Cet arrêt invite à bien distinguer la portée de la mention d’une créance par le débiteur : si elle facilite sa déclaration, elle ne modifie pas les droits des parties au fond. La solution clarifie l’articulation entre les règles de déclaration de créances et le régime de la prescription, dans un sens favorable à la sécurité juridique des opérations de vérification du passif.
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