Le statut d’agent commercial, issu de la loi du 25 juin 1991 transposant la directive européenne 86/653 du 18 décembre 1986, offre à ces professionnels un régime protecteur, notamment en leur garantissant une indemnité en cas de rupture du contrat par le mandant en dehors de toute faute grave. Pour autant, ce statut est-il subordonné à l’inscription de l’agent au registre spécial prévu par le Code de commerce ? Le défaut d’immatriculation prive-t-il l’agent de la protection légale et peut-il être constitutif d’une faute grave justifiant un refus d’indemnisation ? C’est à ces questions que répond la cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 17 décembre 2024 (CA Rennes 17-12-2024 n° 23/05277), en jugeant que le défaut d’inscription, s’il constitue un manquement, ne fait pas échec à l’application du statut dès lors que le mandant a poursuivi la relation contractuelle en connaissance de cause.
En l’espèce, un mandant avait rompu le contrat le liant à son agent commercial. Pour s’opposer au paiement de l’indemnité de fin de contrat, il faisait valoir que l’agent avait commis une faute grave en ne procédant pas à son immatriculation au registre spécial des agents commerciaux.
La cour d’appel écarte cet argument et considère au contraire que l’agent a droit à l’indemnité réclamée, pour un double motif.
D’une part, elle rappelle que l’immatriculation au registre spécial n’est qu’une mesure de police professionnelle, qui ne conditionne pas le bénéfice du statut protecteur des agents commerciaux. Ce faisant, elle s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence nationale et européenne.
La Cour de cassation juge en effet de façon constante depuis la loi de transposition de 1991 que l’article L. 134-1 du code de commerce ne subordonne pas l’application du statut à l’inscription au registre.
Cette solution découle de l’interprétation de la directive de 1986 donnée par la CJCE (désormais CJUE), selon laquelle cette directive s’oppose à toute réglementation nationale qui ferait dépendre la validité du contrat d’agence de l’immatriculation de l’agent (CJCE 30-4-1998 aff. 215/97).
L’immatriculation apparaît donc comme une formalité administrative, certes obligatoire, mais sans incidence sur l’application du régime de protection de l’agent dans ses rapports avec son mandant. Subordonner ce régime à l’inscription reviendrait à ajouter une condition que ni la directive ni la loi de transposition n’ont prévue.
D’autre part, et surtout, la cour relève que le mandant avait en l’espèce poursuivi la relation commerciale en parfaite connaissance du défaut d’immatriculation de l’agent. Il en déduit que ce manquement, tacitement accepté, ne peut être constitutif d’une faute grave justifiant la perte du droit à indemnité.
Que faut-il retenir ?
L’immatriculation de l’agent commercial au registre spécial conditionne-t-elle l’application du statut protecteur ?
Non, la loi française transposant la directive européenne sur les agents commerciaux ne subordonne pas le bénéfice du statut, et notamment le droit à indemnité de rupture, à l’inscription au registre spécial. Cette immatriculation n’est qu’une mesure de police professionnelle, sans incidence sur le régime protecteur dans les rapports entre l’agent et son mandant.
Le défaut d’immatriculation de l’agent peut-il constituer une faute grave le privant de son droit à indemnité ?
Cela dépend des circonstances et de l’attitude du mandant. Si ce dernier a poursuivi la relation en toute connaissance du défaut d’inscription, ce manquement ne saurait être constitutif d’une faute grave. En revanche, s’il établit que l’absence d’immatriculation a porté une atteinte caractérisée à la finalité du mandat rendant impossible le maintien du contrat, la privation d’indemnité peut être justifiée.
Comment s’apprécie la gravité d’un manquement de l’agent susceptible de lui faire perdre son droit à indemnité ?
La faute grave s’entend d’un manquement portant atteinte à la finalité commune du mandat et rendant impossible la poursuite de la relation. Son existence s’apprécie de façon concrète et circonstanciée, au regard notamment de l’attitude du mandant. La poursuite délibérée de la relation en connaissance du manquement invoqué démontre le plus souvent l’absence de gravité suffisante pour justifier la perte du droit à indemnité.
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