Annulation assemblée générale SAS : restructuration d’une société, intérêt social et fraude d’un associé

 

L’intérêt social, une notion indifférente pour la nullité des actes et délibérations

L’affaire soumise à la Cour de cassation (Com. 1er juin 2023, n°22-11166) concernait une société dont les deux associés, un couple marié, étaient en conflit. L’épouse, présidente de la société, avait créé une filiale à 100 % de la société, dont elle avait pris la présidence, et lui avait consenti la location-gérance du fonds de commerce de la société. L’époux, directeur général de la société, estimait que cette opération avait été faite en violation des statuts, en méconnaissance de l’intérêt social de la société et de ses propres intérêts. Il avait donc demandé la nullité ou l’inopposabilité des actes et délibérations y afférents.

La Cour de cassation a rejeté sa demande, en se fondant sur l’article L. 235-1 du code de commerce, qui dispose que la nullité des actes ou délibérations qui ne modifient pas les statuts ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du Livre II du code de commerce ou des lois qui régissent les contrats. Elle a constaté que l’épouse avait agi dans les limites de son mandat social et dans le respect des intérêts de la société, actionnaire unique de la filiale, et donc de ses deux associés. Elle a en outre retenu que la mise du fonds en location-gérance n’avait pas eu pour effet d’écarter l’époux de la gouvernance de la société, mais seulement de le priver de fonctions opérationnelles directes dans l’exploitation du fonds.

Cette décision confirme la position de la Cour de cassation selon laquelle la contrariété à l’intérêt social ne constitue pas, par elle-même, une cause de nullité des engagements souscrits par le dirigeant d’une société à l’égard des tiers, sauf fraude ou abus de droit commis par un ou plusieurs associés pour favoriser ses ou leurs intérêts au détriment de ceux d’un ou plusieurs autres associés. L’intérêt social est donc une notion indifférente pour la nullité des actes et délibérations qui ne modifient pas les statuts, ce qui peut sembler paradoxal, puisque la société est censée agir dans son intérêt et non dans celui de ses membres ou de ses dirigeants.

La fraude, une notion étroitement appréciée pour la nullité des actes et délibérations

L’époux invoquait également la fraude de la part de son épouse, qui aurait agi dans le but de l’évincer de la société. La Cour de cassation a rejeté cet argument, en considérant que la restructuration des activités de la société n’était pas frauduleuse, mais seulement fautive, dans la mesure où elle avait été faite à l’insu de l’époux. Elle a donc condamné l’épouse à verser des dommages et intérêts à son époux pour le préjudice moral qu’il avait subi, mais sans annuler les actes et délibérations litigieux.

Cette décision illustre la rigueur avec laquelle la Cour de cassation apprécie la notion de fraude, qui suppose la réunion de deux conditions : l’utilisation d’un mécanisme qui permet d’échapper à une loi impérative et l’intention de contourner la loi impérative. Or, en l’espèce, ces éléments étaient absents, puisque l’épouse avait agi dans le cadre de ses pouvoirs légaux et statutaires, sans violer une disposition impérative du code de commerce ou des lois qui régissent les contrats. Le fait qu’elle ait agi dans son intérêt personnel, au détriment de celui de son époux, ne suffisait pas à caractériser une fraude aux droits des associés, qui aurait pu entraîner la nullité des actes et délibérations.

La Cour de cassation fait donc une distinction entre la fraude, qui est une cause de nullité, et la faute, qui est une cause de responsabilité. Cette distinction peut paraître subtile, mais elle a des conséquences importantes sur les effets des actes et délibérations contestés. En effet, la nullité entraîne la disparition rétroactive des actes et délibérations, tandis que la responsabilité entraîne seulement la réparation du préjudice causé par les actes et délibérations. Ainsi, en l’espèce, la restructuration de la société n’a pas été remise en cause, mais seulement sanctionnée financièrement.

Que faut-il retenir ?

  • La nullité des actes et délibérations d’une société qui ne modifient pas les statuts ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du code de commerce ou des lois qui régissent les contrats, et non de la contrariété à l’intérêt social, sauf fraude ou abus de droit commis par un ou plusieurs associés.
  • L’intérêt social est une notion indifférente pour la nullité des actes et délibérations qui ne modifient pas les statuts, ce qui peut sembler paradoxal, puisque la société est censée agir dans son intérêt et non dans celui de ses membres ou de ses dirigeants.
  • La fraude est une notion étroitement appréciée pour la nullité des actes et délibérations, qui suppose la réunion de deux conditions : l’utilisation d’un mécanisme qui permet d’échapper à une loi impérative et l’intention de contourner la loi impérative. La fraude se distingue de la faute, qui est une cause de responsabilité.

Notre cabinet dédié au droit des sociétés peut vous conseiller utilement.

N’hésitez pas à prendre rendez-vous !

Avocats Montpellier

Avocats d'affaires et droit des sociétés

Qui sommes-nous ?

Le cabinet de Maître Guillaume Lasmoles est un cabinet d'avocats spécialisé en droit des affaires. Il accompagne les entreprises, les dirigeants et les particuliers dans leurs projets et leurs litiges. Il dispose d'une équipe d'avocats expérimentés et réactifs, qui proposent des solutions personnalisées et adaptées aux besoins de leurs clients.

Pourquoi faire appel à un avocat ?

Le rôle de l’avocat, et plus spécialement, de l’avocat en droit des affaires et des sociétés est de conseiller, de prévenir son client tant en ce qui concerne l’intérêt de l’opération projetée, que son coût ou encore sa pertinence.