La déclaration de créance au passif du débiteur principal interrompt la prescription à l’égard de la caution jusqu’à la clôture de la procédure collective

L’arrêt rendu le 25 octobre 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Com. 25 octobre 2023, n°22-18.680) confirme la jurisprudence antérieure à la réforme du droit des entreprises en difficulté par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, qui a introduit une disposition légale spécifique sur ce point (C. com., art. L. 622-25-1).

Pour comprendre les enjeux de cette décision, il convient de rappeler les principes généraux qui régissent la situation de la caution d’un débiteur en procédure collective. La caution est une personne qui s’engage à payer la dette d’un tiers, en cas de défaillance de celui-ci. Elle bénéficie de la suspension des poursuites individuelles pendant la période d’observation et le plan de sauvegarde ou de redressement, si elle est une personne physique (C. com., art. L. 622-28, al. 2, et art. L. 631-14, al. 1er). En revanche, elle ne bénéficie pas de cette suspension en cas de liquidation judiciaire du débiteur principal, ni si elle est une personne morale. Dans tous les cas, la caution doit être informée de l’ouverture de la procédure collective et de la déclaration de créance du créancier (C. com., art. L. 622-22 et art. L. 641-19).

La déclaration de créance est l’acte par lequel le créancier fait connaître au mandataire judiciaire l’existence et le montant de sa créance, afin de participer à la répartition du patrimoine du débiteur. Elle doit être effectuée dans les deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture au Bodacc (C. com., art. L. 622-24 et art. L. 641-3). La déclaration de créance a pour effet d’interrompre la prescription de l’action en paiement du créancier contre le débiteur principal, jusqu’à la clôture de la procédure collective (C. com., art. L. 622-25-1). Cette disposition, issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, codifie la jurisprudence antérieure qui assimilait la déclaration de créance à une demande en justice (Cass., ass. plén., 26 janv. 2001, n° 99-15.153 ; Com. 15 mars 2005, n° 03-17.783).

La question qui se pose alors est de savoir si la déclaration de créance au passif du débiteur principal a également un effet interruptif de prescription à l’égard de la caution, qui n’est pas partie à la procédure collective. La réponse de la Cour de cassation est affirmative, conformément à sa jurisprudence antérieure (Com. 26 sept. 2006, n° 04-19.751 ; 27 févr. 2007, n° 04-16.700). La Cour de cassation considère que la combinaison des articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et L. 622-24 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 12 mars 2014, implique que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l’égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective.

Cette solution se justifie par le fait que la déclaration de créance manifeste la volonté du créancier de faire valoir ses droits contre le débiteur principal et ses garants, et que la caution ne peut être tenue au-delà de ce qui est dû par le débiteur principal (C. civ., art. 2298). Ainsi, la déclaration de créance permet de préserver le droit d’agir du créancier contre la caution, sans que celle-ci soit lésée par la durée de la procédure collective. Toutefois, cette solution n’est pas sans soulever des difficultés, notamment en cas de liquidation judiciaire du débiteur principal, où les poursuites contre la caution peuvent être engagées dès le jugement d’ouverture, ou bien plus tard en cas de durée anormalement longue de la procédure collective, ce qui peut porter atteinte au principe d’égalité des armes entre le créancier et la caution dès lors que le point de départ de la prescription est reportée jusqu’à la clôture des opérations. La Cour de cassation a toutefois posé des limites à l’effet interruptif de prescription de la déclaration de créance, en affirmant qu’il ne doit pas empêcher la caution de prescrire définitivement contre le créancier, ni de le menacer d’une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause, au regard de l’article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés (Com. 23 oct. 2019, n° 18-16.515).

En l’espèce, la Cour de cassation a appliqué ces principes à un litige opposant un fonds commun de titrisation, venant aux droits d’une banque, à une personne physique qui s’était portée caution d’une société placée en liquidation judiciaire. La banque avait déclaré ses créances au passif de la société, qui avaient été admises, et la procédure de liquidation judiciaire avait été clôturée pour insuffisance d’actif. La banque avait assigné la caution en exécution de son engagement, une première fois, puis s’était désistée de son instance. Elle avait ensuite diligenté une nouvelle assignation à l’égard de la caution. La cour d’appel avait déclaré prescrite l’action en exécution de l’engagement de caution, en considérant que le désistement d’instance de la banque rendait inopérante la nouvelle assignation et que l’interruption de la prescription était devenue non avenue. La Cour de cassation a censuré cette décision, en estimant que le désistement d’instance n’avait pas d’incidence sur l’effet interruptif de prescription de la déclaration de créance, qui s’était prolongé jusqu’à la clôture de la liquidation judiciaire. Ainsi, un nouveau délai de prescription quinquennale avait commencé à courir à compter de cette date, de sorte que l’action de la banque n’était pas prescrite à la date de la seconde assignation.

Cette décision illustre la rigueur avec laquelle la Cour de cassation applique l’effet interruptif de prescription de la déclaration de créance à l’égard de la caution, dans le souci de préserver le droit d’agir du créancier. Elle invite à s’interroger sur l’équilibre entre les intérêts du créancier et ceux de la caution, qui peut se trouver exposée à une action en paiement tardive, voire disproportionnée, par rapport à la situation du débiteur principal. Elle appelle également à se demander si la réforme du droit des entreprises en difficulté par l’ordonnance du 12 mars 2014, qui a codifié la règle de l’effet interruptif de prescription de la déclaration de créance, a permis de clarifier la situation de la caution, ou si elle a laissé subsister des zones d’ombre

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