La Cour de cassation rappelle les limites de l'article 145 du code de procédure civile en matière d'expertise in futurum

L’article 145 du code de procédure civile permet à tout intéressé de solliciter des mesures d’instruction légalement admissibles, sur requête ou en référé, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Cependant, cette procédure ne peut être détournée de son objectif initial pour obtenir des informations sur des opérations de gestion courante au sein d’une société. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 11 septembre 2024 (Com. 11 sept. 2024, n° 22-24.160).

En l’espèce, des actionnaires minoritaires de la société Esso, filiale française du groupe Exxon Mobil, détenaient 2,8% du capital social. Suspectant des irrégularités dans les conventions conclues entre Esso et son actionnaire majoritaire, la société Exxon Mobil Corporation, ils ont assigné Esso en référé sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. Leur objectif était d’obtenir une expertise judiciaire portant sur les transactions relatives à l’approvisionnement en pétrole brut et à la vente de produits pétroliers, afin de vérifier si les conditions financières étaient conformes aux normes du marché.

La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 20 octobre 2022, avait accédé à leur demande. Elle avait estimé qu’il existait un motif légitime de soupçonner des irrégularités dans les conventions, justifiant ainsi l’accès des actionnaires minoritaires à ces informations.

Cependant, la société Esso a formé un pourvoi en cassation contre cette décision. Elle reprochait à la Cour d’appel d’avoir ordonné une expertise judiciaire sur la base de simples soupçons d’irrégularités soulevés par les actionnaires minoritaires. Selon Esso, cette demande ne visait en réalité qu’à obtenir des informations de gestion, ce qui ne correspond pas à l’objectif d’une mesure d’instruction. La société faisait valoir que cette demande d’expertise avait une finalité purement exploratoire, visant à mener une enquête générale sur la gestion de la société, sans lien avec un litige futur clairement identifié.

La Cour de cassation a donné raison à la société Esso. Elle rappelle les conditions strictes posées par l’article 145 du code de procédure civile pour l’octroi d’une mesure d’instruction in futurum. Cette procédure ne peut être mise en œuvre que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Or, en l’espèce, les mesures ordonnées ne visaient, en réalité, qu’à fournir aux actionnaires minoritaires des informations sur des opérations de gestion courante ; et ce type de demande relève, selon la Cour, du mécanisme spécifique prévu à l’article L. 225-231 du code de commerce, et non d’une mesure d’instruction in futurum.

Que faut-il retenir ?

Quel est l’objectif de l’article 145 du Code de procédure civile ?

L’article 145 du Code de procédure civile permet d’obtenir des mesures d’instruction légalement admissibles, sur requête ou en référé, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Une mesure d’instruction in futurum peut-elle être utilisée pour obtenir des informations sur des opérations de gestion courante au sein d’une société ?

Non, la Cour de cassation rappelle que les mesures d’instruction in futurum ne peuvent être détournées de leur objectif initial pour obtenir des informations sur des opérations de gestion courante. Ce type de demande relève du mécanisme spécifique prévu à l’article L. 225-231 du Code de commerce.

Quelles sont les conditions posées par l’article L. 225-231 du Code de commerce pour obtenir des informations sur les opérations de gestion d’une société ?

L’article L. 225-231 du Code de commerce permet aux associations d’actionnaires ou aux actionnaires détenant au moins 5% du capital social de poser des questions sur les opérations de gestion au président du conseil d’administration ou au directoire. En cas d’absence de réponse satisfaisante dans un délai d’un mois, ils peuvent demander en référé la désignation d’experts chargés d’enquêter sur ces opérations.

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