La résolution unilatérale du bail commercial par voie de notification : une possibilité encadrée par la jurisprudence

Le bail commercial est un contrat qui lie le propriétaire d’un local à un locataire qui y exerce une activité commerciale. Ce contrat peut être résilié par l’une ou l’autre des parties, selon des modalités prévues par la loi ou par les clauses contractuelles. Toutefois, il existe une possibilité de résoudre le bail unilatéralement par voie de notification, c’est-à-dire sans passer par un juge, lorsque le comportement du cocontractant est d’une gravité telle qu’il rend impossible la poursuite des relations contractuelles. Cette possibilité, qui n’était pas explicitement prévue par le code civil avant la réforme du droit des contrats de 2016, a été reconnue par la jurisprudence et encadrée par des conditions strictes. Quelles sont ces conditions et comment s’appliquent-elles au bail commercial ?

Le bail commercial peut être résolu unilatéralement par voie de notification en cas de manquement grave du bailleur

L’article 1226 du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, dispose que “le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable”. Ce texte consacre ainsi la possibilité pour le créancier d’une obligation contractuelle de mettre fin au contrat sans avoir à saisir un juge, lorsque le débiteur ne respecte pas ses engagements. Cette possibilité avait déjà été admise par la jurisprudence dans plusieurs domaines, notamment celui du bail commercial.

En effet, la Cour de cassation avait jugé que “la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls” (Cass. civ. 1, 13 octobre 1998, n° 96-21.485). Ainsi, le locataire d’un bail commercial pouvait résoudre le contrat par voie de notification lorsque le bailleur commettait des manquements graves à ses obligations, tels que le non-respect du droit au renouvellement du bail, la violation de la destination des locaux, ou encore le trouble de jouissance causé par des travaux ou des agissements du bailleur. La résolution unilatérale du bail commercial par voie de notification devait toutefois respecter certaines conditions, notamment celle de la mise en demeure préalable du bailleur, sauf urgence ou circonstances rendant cette formalité vaine.

La Cour de cassation a récemment illustré cette possibilité de résolution unilatérale du bail commercial par voie de notification dans un arrêt du 25 janvier 2024 (Cass. civ. 3, 25 janvier 2024, n° 22-16.583). Dans cette affaire, la propriétaire de locaux dépendant d’un même immeuble avait consenti trois baux commerciaux à une locataire. Cette dernière avait quitté les biens donnés à bail et avait cessé le paiement des loyers. Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la locataire avait justifié son départ par les agissements du gérant de la société bailleresse, lui reprochant de s’être régulièrement introduit dans les locaux loués et d’y avoir eu des comportements déplacés envers plusieurs de ses salariées. La bailleresse avait assigné la locataire en paiement des loyers postérieurs au départ de celle-ci. La locataire avait reconventionnellement sollicité le prononcé de la résiliation des baux à effet du départ des locaux. La cour d’appel de Grenoble avait accueilli sa demande, en estimant que le comportement du gérant de la société bailleresse était de nature à porter atteinte à la jouissance paisible des locaux loués par la locataire, dont le personnel était constitué à 80 % de femmes, et justifiait la résiliation du bail sans qu’il puisse être exigée une mise en demeure préalable. La bailleresse s’était pourvue en cassation, en invoquant la violation de l’article 1226 du code civil.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, en approuvant la cour d’appel d’avoir fait ressortir que le comportement du dirigeant de la société bailleresse était d’une gravité telle qu’il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, de sorte qu’une mise en demeure préalable à la notification de la résiliation des baux, qui eût été vaine, n’était pas nécessaire. La Cour de cassation a ainsi confirmé sa récente jurisprudence, selon laquelle la mise en demeure préalable n’a pas à être délivrée lorsque les circonstances rendent inutile cette formalité (Cass. com., 18 octobre 2023, n° 20-21.579). Elle a également rappelé que la résolution unilatérale du bail commercial par voie de notification est possible lorsque le bailleur commet des manquements graves à ses obligations, notamment en portant atteinte à la jouissance paisible des locaux loués par le locataire.

Que faut-il retenir ?

  • Le bail commercial est un contrat qui peut être résolu unilatéralement par voie de notification, c’est-à-dire sans passer par un juge, lorsque le comportement du cocontractant est d’une gravité telle qu’il rend impossible la poursuite des relations contractuelles.
  • La Cour de cassation a récemment illustré cette possibilité de résolution unilatérale du bail commercial par voie de notification dans un arrêt du 25 janvier 2024, en jugeant que le comportement du gérant de la société bailleresse, qui s’était introduit dans les locaux loués et avait eu des gestes déplacés à l’égard des salariées de la locataire, était d’une gravité telle qu’il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, de sorte qu’une mise en demeure préalable n’était pas nécessaire.

 

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