La tierce-complicité dans la violation d’une clause de non-concurrence : un préjudice moral présumé

Lorsqu’un salarié quitte son entreprise pour rejoindre une société concurrente, il peut être tenu par une clause de non-concurrence qui lui interdit d’exercer une activité similaire pendant une certaine durée et dans un certain périmètre. Le respect de cette clause est essentiel pour protéger les intérêts de l’ancien employeur, qui peut craindre de voir son savoir-faire, sa clientèle ou ses secrets d’affaires lui échapper. Mais que se passe-t-il lorsque la société concurrente embauche le salarié en connaissance de cause, en méconnaissant la clause de non-concurrence ? Quelle responsabilité peut-elle encourir à l’égard de l’ancien employeur du salarié ? Quel préjudice peut-elle lui causer ?

Cette question a été tranchée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 2023 (Com. 22 mars 2023, n°21-24974), qui a affirmé qu’un préjudice moral s’infère nécessairement de la participation fautive à la violation d’une clause de non-concurrence.

La présomption de l’existence d’un préjudice et du lien de causalité

La responsabilité civile du fait personnel repose sur trois conditions : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux. En matière de concurrence déloyale, la Cour de cassation a tendance à alléger ces conditions, en faisant notamment application de la théorie du préjudice nécessaire. Selon cette théorie, certains faits fautifs sont de nature à causer un préjudice à la victime, sans qu’il soit besoin de le prouver. C’est le cas, par exemple, de la participation à la violation d’une clause de non-concurrence, qui constitue un acte de concurrence déloyale à l’égard de l’ancien employeur du salarié.

La Cour de cassation fait donc bénéficier la victime d’une double présomption portant à la fois sur le préjudice et sur le lien de causalité. Cette double présomption a pour effet de faciliter la mise en oeuvre de la responsabilité du tiers-complice, en lui évitant de devoir démontrer l’existence et l’étendue du dommage causé par la violation de la clause de non-concurrence. Elle a également pour fonction de sanctionner civilement le comportement fautif du tiers-complice, qui a sciemment méconnu l’engagement contractuel du salarié.

Un détournement du « préjudice moral »

La présomption de préjudice ne concerne pas n’importe quel type de préjudice, mais uniquement le préjudice moral. Le préjudice moral se définit comme l’atteinte aux intérêts extrapatrimoniaux de la victime, tels que son honneur, sa réputation, son image, sa tranquillité, etc. Il se distingue du préjudice matériel, qui porte sur les intérêts patrimoniaux de la victime, tels que son patrimoine, son chiffre d’affaires, sa clientèle, etc. Le préjudice moral est généralement invoqué par les personnes physiques, qui peuvent éprouver des souffrances, des désagréments ou des troubles psychiques du fait d’un fait dommageable.

Or, dans l’arrêt commenté, le préjudice moral est invoqué par une personne morale, en l’occurrence une société commerciale. La Cour de cassation admet sans difficulté que les personnes morales puissent subir un préjudice moral, en considérant qu’elles ont une personnalité juridique et des intérêts extrapatrimoniaux à protéger. Toutefois, cette reconnaissance du préjudice moral des personnes morales est contestable, car elle repose sur une confusion entre les intérêts extrapatrimoniaux et les intérêts patrimoniaux. En effet, pour une société commerciale, l’atteinte à son image, à sa réputation ou à son honneur n’a pas de valeur en soi, mais se traduit par une perte de clientèle, de partenaires ou de profits. Il s’agit donc en réalité d’un préjudice matériel, que la société n’est pas parvenue à prouver.

Le préjudice moral se trouve ainsi détourné de sa finalité, qui est d’indemniser les victimes des troubles psychiques et souffrances morales qu’elles ont pu endurer. Il devient un moyen de sanctionner civilement des actes de concurrence déloyale impliquant des sociétés commerciales, en leur accordant une réparation forfaitaire, sans rapport avec le dommage réellement subi.

Que faut-il retenir ?

  • La participation fautive à la violation d’une clause de non-concurrence constitue un acte de concurrence déloyale, qui engage la responsabilité civile du tiers-complice à l’égard de l’ancien employeur du salarié.
  • La Cour de cassation fait bénéficier la victime d’une double présomption portant sur le préjudice et sur le lien de causalité, qui facilite la mise en oeuvre de la responsabilité du tiers-complice.

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