L’adoption de décisions collectives dans les SAS : majorité arithmétique ou seuil ?

La société par actions simplifiée (SAS) est une forme de société commerciale qui offre une grande liberté aux associés pour organiser son fonctionnement. En particulier, les statuts peuvent déterminer les conditions dans lesquelles sont prises les décisions collectives des associés, sans être soumis à des règles impératives de majorité. Toutefois, cette liberté contractuelle a ses limites, comme l’illustre un litige portant sur la validité d’une clause statutaire prévoyant qu’une résolution est adoptée dès lors qu’elle recueille le tiers des droits de vote des associés présents ou représentés, même si une majorité simple des voix s’est exprimée contre. Ce litige a donné lieu à plusieurs décisions judiciaires contradictoires, mettant en lumière les enjeux et les difficultés liés à la notion de majorité dans les SAS.

Le tribunal de commerce de Paris, par un jugement du 13 décembre 2016, a validé la clause statutaire litigieuse, en considérant qu’elle ne heurtait aucune règle fondamentale applicable à toute société. Il a estimé que les associés de SAS étaient libres de déterminer les règles de majorité utile pour la prise de décision, et que la décision contestée avait été adoptée dans l’intérêt de la société, confrontée à de graves difficultés financières.

La cour d’appel de Paris, par un arrêt du 20 décembre 2018, a confirmé le jugement du tribunal, en se fondant sur la liberté laissée par l’article L. 227-9 du code de commerce aux associés de SAS de fixer les conditions de prise des décisions collectives. Elle a ajouté que la notion de majorité devait être entendue dans son sens juridique et non pas arithmétique, et que la clause statutaire litigieuse avait été appliquée lors de plusieurs assemblées générales antérieures sans contestation.

La Cour de cassation, par un arrêt du 19 janvier 2022 (Com. 19 janv. 2022, n° 19-12.696), a cassé l’arrêt de la cour d’appel, en considérant que la liberté contractuelle trouvait sa limite dans la nécessité d’instituer une règle d’adoption des résolutions qui permette de départager ses partisans et ses adversaires. Elle a jugé qu’une clause statutaire stipulant qu’une résolution est adoptée dès lors qu’une proportion d’associés représentant moins de la moitié des droits de vote présents ou représentés s’est exprimée en sa faveur ne répondait pas à cette exigence, puisque les partisans et les adversaires de cette résolution pouvaient simultanément remplir cette condition de seuil. Elle a conclu que les résolutions d’une SAS ne pouvaient être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés.

La cour d’appel de Paris, par un arrêt du 4 avril 2023 (CA Paris, 4 avril 2023, n° 22/05320), ayant statué sur renvoi après cassation, a de nouveau validé la clause statutaire litigieuse, en adoptant une interprétation plus nuancée de l’article L. 227-9 du code de commerce. Elle a considéré que les associés de SAS étaient libres de déterminer, dans les statuts, non pas une règle de majorité, mais les conditions dans lesquelles sont prises les décisions qui doivent l’être collectivement. Elle a estimé qu’il était loisible aux associés de définir dans les statuts une procédure d’adoption par un vote des décisions collectives qui n’applique pas une règle de majorité, telle qu’une condition de seuil dont la seule atteinte permet de considérer comme adoptée la résolution soumise au vote. Elle a également relevé que la décision contestée n’était pas irrégulière et qu’elle avait été prise dans l’intérêt de la société.

Que faut-il déduire de ces décisions divergentes ?

Ces décisions témoignent de la difficulté à concilier la liberté contractuelle des associés de SAS et le respect du principe démocratique qui sous-tend la notion de majorité. Elles soulèvent également des questions pratiques sur la sécurité juridique des décisions collectives adoptées selon des modalités atypiques, ainsi que sur les risques de conflits ou d’abus entre les associés.

Deux scénarios sont possibles pour l’avenir. Le premier est celui du maintien par la Cour de cassation de la position exprimée par son précédent arrêt du 19 janvier 2022. Dans ce cas, les clauses statutaires comportant une condition de seuil comme modalité d’adoption d’une décision sociale n’auront pas vocation à se multiplier. Le second est celui du revirement de la Cour de cassation.

Dans l’attente, il est recommandé de faire preuve de prudence quant à l’adoption des clauses statutaires objets de ce litige.

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