L’autorité de la chose jugée et l’obligation au passif des associés de sociétés civiles

Dans le cadre des sociétés civiles, les associés sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Toutefois, les créanciers ne peuvent les poursuivre qu’après avoir préalablement et vainement mis en demeure la société. Qu’en est-il lorsque les créanciers ont déjà engagé une action en justice contre les associés, mais que celle-ci a été rejetée faute de vaines et préalables poursuites contre la société ? Peuvent-ils renouveler leur demande si la situation de la société se dégrade et qu’elle est mise en liquidation judiciaire ? La Cour de cassation a répondu par l’affirmative dans un arrêt du 18 janvier 2024 (Civ. 3ème, 18 janvier 2024, n°22-19472), en considérant que la liquidation judiciaire de la société constituait un événement nouveau, susceptible de remettre en cause l’autorité de la chose jugée.

L’autorité de la chose jugée : un principe relatif

L’autorité de la chose jugée est le principe selon lequel une décision de justice, passée en force de chose jugée, ne peut plus être contestée ni remise en cause par les parties au procès. Ce principe vise à garantir la sécurité juridique et à éviter les procès sans fin. Toutefois, il n’est pas absolu et comporte des limites. En effet, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’à ce qui a été tranché dans le dispositif de la décision. Elle ne s’étend pas aux motifs de la décision, qui ne sont que le support du dispositif. Par ailleurs, l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice. Il s’agit alors d’un changement de circonstances qui justifie une nouvelle action en justice.

L’obligation au passif des associés de sociétés civiles : une garantie subsidiaire

Les sociétés civiles sont des sociétés qui n’ont pas de caractère commercial, soit par leur objet (par exemple, les sociétés civiles immobilières), soit par leur forme (par exemple, les sociétés civiles de moyens). Les associés de ces sociétés sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, c’est-à-dire qu’ils peuvent être appelés à payer la totalité de la dette, même s’ils ne détiennent qu’une faible part du capital social. Toutefois, cette obligation n’est pas immédiate et les créanciers doivent respecter un ordre de poursuite. Ils doivent d’abord mettre en demeure la société de payer sa dette, puis, en cas d’échec, ils peuvent se retourner contre les associés. Cette règle vise à protéger les associés, qui ne sont que des garants subsidiaires des dettes sociales.

La liquidation judiciaire de la société : un événement nouveau

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, une banque avait assigné les associés de deux sociétés civiles en paiement de leurs dettes bancaires, mais sa demande avait été rejetée faute de vaines et préalables poursuites contre les sociétés. Par la suite, la banque avait obtenu l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre des deux sociétés, puis avait renouvelé son action contre les associés. La cour d’appel avait déclaré sa demande irrecevable, au motif qu’elle se heurtait à l’autorité de la chose jugée attachée aux premiers jugements. La Cour de cassation a censuré cette décision, en estimant que la liquidation judiciaire des sociétés constituait un événement nouveau, qui modifiait la situation antérieurement reconnue en justice. En effet, la liquidation judiciaire entraîne la cessation des paiements de la société et la dissolution de celle-ci. Elle rend donc vaines les poursuites contre la société et permet aux créanciers de se retourner contre les associés, sans avoir à démontrer l’inanité de leurs démarches antérieures.

Que faut-il retenir ?

  • L’autorité de la chose jugée n’est pas un obstacle absolu à une nouvelle action en justice, lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
  • L’obligation au passif des associés de sociétés civiles n’est pas immédiate et les créanciers doivent respecter un ordre de poursuite, en mettant d’abord en demeure la société de payer sa dette.
  • La liquidation judiciaire de la société constitue un événement nouveau, qui rend vaines les poursuites contre la société et permet aux créanciers de se retourner contre les associés, sans avoir à démontrer l’inanité de leurs démarches antérieures.

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