Bail commercial : les conséquences juridiques d'une extension non autorisée de votre activité

Imaginez que vous exploitiez un simple snack depuis plusieurs années et que, face au succès rencontré, vous décidiez d’élargir votre carte et de transformer progressivement votre établissement en véritable restaurant. Cuisine élaborée, salle à manger confortable, service à table… Votre affaire prospère jusqu’au jour où votre bailleur vous adresse une mise en demeure pour non-respect de la destination contractuelle des lieux, exigeant la résiliation immédiate de votre bail.

Cette situation, illustre un piège dans lequel tombent de nombreux commerçants : la modification unilatérale de l’activité autorisée par le bail commercial.

En tant qu’avocats dédiés au droit des affaires à Montpellier, nous accompagnons régulièrement des commerçants confrontés à ces problématiques de destination contractuelle.

Dans cet article, nous vous proposons d’analyser précisément les contours de cette jurisprudence et de vous donner les clés pour sécuriser juridiquement l’évolution de votre activité commerciale dans le respect de votre bail.

Quelle différence juridique entre un snack et un restaurant selon la Cour de cassation ?

La 3ème chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 27 mars 2025 (n° 23-22.383), a clairement établi une distinction fondamentale entre l’activité de snack et celle de restaurant traditionnel.

Dans cette affaire, un commerçant avait loué des locaux commerciaux « à destination de centre d’animation et de snack ». Progressivement, il avait transformé son établissement en véritable restaurant proposant « une cuisine française, chinoise et de fruits de mer, composée notamment de poisson au gingembre et ris de veau forestier ».

La Cour a relevé plusieurs éléments matériels caractérisant cette transformation :

  • L’aménagement d’une cuisine professionnelle de 30 m²
  • La création d’une véritable salle à manger de 50 m²
  • L’installation de toilettes indépendantes
  • La présence de structures d’accueil élaborées (kiosques)
  • Une offre culinaire sophistiquée, dépassant le cadre de la restauration rapide

Ce qu’il faut retenir : Selon la Haute juridiction, « le type de restauration était bien plus sophistiqué que celle pouvant être servie dans un snack ». Cette différence substantielle caractérise un changement de destination des locaux, constitutif d’un manquement grave aux obligations du locataire.

Cette jurisprudence s’inscrit dans une lignée cohérente de décisions antérieures.

Pourquoi le non-respect de la destination contractuelle peut-il entraîner la résiliation de votre bail ?

L’article 1728 du code civil impose au locataire d’user des locaux loués « conformément à la destination qui leur a été donnée par le bail ». Cette obligation est fondamentale dans la relation contractuelle entre bailleur et preneur.

En matière commerciale, le respect de la destination des lieux répond à plusieurs impératifs juridiques et économiques :

  1. Protection des intérêts du bailleur : Le propriétaire peut légitimement vouloir contrôler l’usage fait de son bien, notamment pour :
    • Préserver la structure et l’agencement du local
    • Maîtriser les risques associés à certaines activités (nuisances, assurances)
    • Maintenir une cohérence commerciale dans un ensemble immobilier
  2. Équilibre économique du contrat : La nature de l’activité exercée influence directement :
    • Le montant du loyer négocié initialement
    • Les charges et travaux d’aménagement
    • La valorisation du fonds de commerce et le droit au renouvellement
  3. Respect des règles d’urbanisme : Certaines activités sont soumises à des règlementations spécifiques (ERP, licence, autorisations administratives)

Ce qu’il faut retenir : La modification unilatérale de l’activité constitue une violation contractuelle que les tribunaux considèrent comme « suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail », avec toutes les conséquences désastreuses que cela implique pour l’entreprise (perte du local, indemnités, déménagement forcé).

Comment étendre légalement votre activité commerciale au-delà des termes de votre bail ?

Face à ces risques majeurs, plusieurs solutions juridiques s’offrent au commerçant souhaitant faire évoluer son activité :

  1. La déspécialisation partielle (article L145-47 du code de commerce)

Cette procédure permet d’adjoindre à l’activité principale des activités connexes ou complémentaires. Elle nécessite :

  • Une notification au bailleur par acte extrajudiciaire (huissier)
  • Un délai d’exploitation minimum de 3 ans
  • Une activité véritablement complémentaire (lien direct avec l’activité principale)

Exemple pratique : Un snack pourrait légitimement ajouter une activité de vente à emporter ou de livraison de ses produits habituels, mais difficilement se transformer en restaurant gastronomique.

  1. La déspécialisation plénière (article L145-48 du code de commerce)

Plus radicale, elle permet de changer totalement d’activité, mais avec des conditions strictes :

  • Justifier d’un motif grave et légitime (évolution du marché, contraintes économiques)
  • Adresser une demande formelle au bailleur
  • Possible augmentation du loyer
  • Droit d’opposition du bailleur pour motifs légitimes

Exemple pratique : Un commerçant souhaitant transformer son snack en restaurant traditionnel devrait obligatoirement passer par cette procédure, avec un risque de refus du bailleur et/ou une révision à la hausse du loyer.

  1. La négociation d’un avenant au bail

Solution souvent privilégiée en pratique, elle repose sur un accord amiable avec le bailleur pour modifier la clause de destination. Avantages :

  • Sécurité juridique maximale
  • Possibilité de négocier les conditions financières
  • Évitement des procédures judiciaires
  • Préservation de la relation contractuelle

Ce qu’il faut retenir : Aucune modification de l’activité exercée ne peut être entreprise sans respecter ces procédures légales, sous peine de s’exposer à une résiliation judiciaire du bail.

Conseils pratiques pour votre entreprise

 

  1. Analyser précisément la clause de destination de votre bail commercial

Avant tout projet d’évolution, faites examiner par un avocat spécialisé les termes exacts de votre bail. Certaines formulations peuvent être plus ou moins restrictives :

  • « À usage exclusif de snack » est très limitatif
  • « À usage principal de snack » peut offrir une certaine souplesse
  • « À usage commercial » est beaucoup plus large
  1. Documenter et formaliser tout accord verbal avec votre bailleur

Si votre bailleur a tacitement accepté une évolution de votre activité, matérialisez cet accord par un avenant écrit.

  1. Anticiper les conséquences pratiques d’une procédure de déspécialisation

Préparez soigneusement votre dossier en incluant :

  • Une étude de marché justifiant l’évolution
  • L’évaluation de l’impact financier pour le bailleur
  • Les autorisations administratives nécessaires (licence restaurant, mise aux normes ERP)
  • Une proposition de révision du loyer, si nécessaire
  1. En cas de conflit, privilégier la discussion

La rupture brutale d’un bail commercial génère des coûts considérables pour l’entreprise. Face à un désaccord avec votre bailleur, une solution amiable avec des concessions réciproques permet souvent de trouver un compromis acceptable pour les deux parties et de préserver la continuité de votre exploitation.

FAQ – L’essentiel à retenir

 

Peut-on considérer qu’un snack et un restaurant sont des activités similaires ?

Non, la jurisprudence distingue clairement ces deux activités. Un snack correspond à une restauration rapide, avec une offre limitée et peu élaborée, tandis qu’un restaurant propose une cuisine plus sophistiquée avec service à table, nécessitant des aménagements spécifiques (cuisine professionnelle, salle dédiée).

Le bailleur peut-il refuser une déspécialisation sans motif ?

Non, le refus d’une déspécialisation plénière doit être motivé par un motif légitime. Cependant, la jurisprudence reconnaît au bailleur une large marge d’appréciation, notamment si la nouvelle activité entraîne une dévalorisation de l’immeuble ou des risques accrus.

La résiliation du bail pour activité non autorisée donne-t-elle droit à une indemnité d’éviction ?

Non, puisque la résiliation est prononcée aux torts du locataire, celui-ci perd son droit à indemnité d’éviction et peut même être condamné à verser des dommages-intérêts au bailleur.

N’hésitez pas à prendre rendez-vous, nos Avocats dédiés au droit commercial peuvent vous apporter une aide précieuse !

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