Lorsque le preneur à bail rencontre des difficultés financières et qu’il cesse d’honorer partiellement ou totalement son loyer, son bailleur a la faculté – ce qu’il fait le plus souvent – de lui faire délivrer un commandement de payer, sous un mois, au visa de la clause résolutoire insérée au bail ; et faute pour le preneur de déférer au commandement de payer et de procéder au règlement de la totalité des arriérés, la clause résolutoire est acquise passé le délai susvisé. Ne reste qu’au bailleur à assigner en référé son preneur aux fins d’obtenir son expulsion des locaux ainsi que sa condamnation provisionnelle à lui payer les arriérés. Mais que se passe-t-il lorsqu’une ordonnance de référé qui a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et ordonné l’expulsion du preneur est frappée d’appel et que ledit preneur se trouve placé, entre temps, en procédure collective ?
Les faits de l’espèce étaient relativement simples (CA LYON, 14 fev. 2024, n°23/01531) : la société preneuse qui avait rencontré des difficultés financières à la suite de la crise de la COVID-19 n’arrivait pas à honorer, pas plus que son loyer courant, ses arriérés. Le juge des référés, saisi d’une demande de constat d’acquisition de la clause de résolutoire et d’expulsion (à la suite d’un commandement de payer délivré par le bailleur), faisait droit à cette demande et ordonnait l’expulsion du preneur, lequel interjetait appel de la décision. Entre temps, une procédure de redressement judiciaire était ouverte à l’encontre de la société preneuse.
A hauteur de cour, et tenant l’ouverture de la procédure collective, les juges du second degré n’ont pu que réformer l’ordonnance querellée, non pas en raison de la bonne foi du preneur, mais de l’application stricte et rigoureuse des règles d’ordre public qui gouvernent le droit des entreprises en difficulté.
D’abord, rappelle la cour, aux termes de l’article L.622-21 du code de commerce, est interrompue ou interdite toute action en justice exercée par un créancier contre un débiteur faisant l’objet d’une procédure collective ayant pour objet le paiement de sommes d’argent ou la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
En l’espèce, l’instance introduite par le bailleur avait tant pour objet le paiement d’une somme d’argent que la résolution du contrat de bail de sorte que l’instance ne pouvait plus se poursuivre devant la cour en raison de l’ouverture de la procédure collective.
Ensuite, la cour rappelle qu’il est constant que l’expulsion n’est acquise que dès lors que la décision l’ayant ordonnée est passée en force de chose jugée au jour de l’ouverture de la procédure collective du preneur, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
La décision est donc réformée, la cour disant n’y avoir lieu a référé en raison de l’existence de contestations sérieuses.
Que faut-il retenir ?
Quelles sont les actions que peut entreprendre un bailleur lorsque le locataire ne paie pas son loyer ?
Lorsqu’un locataire cesse de payer son loyer, le bailleur peut lui délivrer un commandement de payer sous un mois, en vertu de la clause résolutoire insérée dans le bail. Si le locataire ne répond pas au commandement de payer et ne règle pas les arriérés, la clause résolutoire s’active et le bailleur peut alors demander l’expulsion du locataire par voie judiciaire, généralement en référé.
Comment la procédure collective affecte-t-elle le processus d’expulsion ?
Selon l’article L.622-21 du code de commerce, toute action en justice contre un débiteur en procédure collective est interrompue ou interdite si elle concerne le paiement de sommes d’argent ou la résolution d’un contrat pour défaut de paiement. Par conséquent, si une procédure collective est ouverte et que la décision d’expulsion (pour des faits antérieurs à l’ouverture de la procédure collective) contre le locataire n’est pas passée en force de chose jugée (c’est-à-dire définitivement jugée), le juge ne pourra que rejeter la demande.
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