Introduction
La procédure collective est jalonnée d’étapes qui peuvent s’avérer être de véritables chausse-trappes pour les créanciers insuffisamment informés des règles procédurales applicables. Parmi ces règles, celles relatives aux voies de recours contre les ordonnances du juge-commissaire revêtent une importance capitale. Un récent arrêt de la Cour de cassation rendu le 26 mars 2025 (Com. 26 mars 2025, n°23-21.958) rappelle avec force que l’erreur dans le choix de la juridiction compétente pour contester une ordonnance du juge-commissaire peut être fatale pour le créancier, et ce même si sa créance est parfaitement fondée sur le plan du droit substantiel. Cette décision met en lumière les spécificités procédurales du droit des entreprises en difficulté et l’importance de maîtriser précisément les voies de recours ouvertes à chaque étape de la procédure collective.
Le cadre légal des contestations de créances en procédure collective
Le contentieux des créances en procédure collective obéit à des règles spécifiques qui dérogent au droit commun de la procédure civile. Ces règles, prévues par le code de commerce, tendent à concilier deux impératifs parfois contradictoires : d’une part, permettre une vérification effective des créances déclarées afin d’éviter que des créances fictives ou surévaluées ne viennent grever le passif du débiteur, et d’autre part, assurer le traitement rapide des contestations pour ne pas retarder le déroulement de la procédure collective.
L’article R. 621-21 du code de commerce organise précisément les voies de recours ouvertes contre les décisions du juge-commissaire en matière de vérification des créances. Ce texte, applicable aux procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires par renvoi des articles R. 631-37 et R. 642-39 du même code, prévoit un mécanisme à deux niveaux :
- Premier niveau : le recours contre l’ordonnance du juge-commissaire doit être porté devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire selon les cas)
- Second niveau : seul le jugement rendu par ce tribunal sur ledit recours est susceptible d’appel
Cette architecture procédurale, qui peut sembler complexe, répond à la volonté du législateur de confier la première appréciation des recours au tribunal qui connaît déjà de l’ensemble de la procédure collective.
L’erreur procédurale sanctionnée par la Cour de cassation
Dans son arrêt du 26 mars 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation sanctionne une erreur procédurale commise par l’URSSAF et entérinée à tort par la cour d’appel.
Les faits de l’espèce
Suite à la mise en redressement puis en liquidation judiciaires d’une société, l’URSSAF avait informé le liquidateur de l’existence d’une créance de cotisations impayées. Le liquidateur avait répondu qu’une partie de ces cotisations ayant été réglée, leur montant serait retranché de la somme à inscrire sur la liste des créances, liste qui fut déposée au greffe.
Contestant cette réduction, l’URSSAF a formé un recours directement devant la cour d’appel contre l’ordonnance du juge-commissaire rejetant sa contestation. La cour d’appel saisie de ce recours, a infirmé l’ordonnance du juge-commissaire et inscrit le montant de la créance tel que demandé par l’URSSAF.
La sanction de la Cour de cassation
La Haute juridiction casse et annule l’arrêt des juges du fond au visa de l’article 125 du code de procédure civile et de l’article R. 621-21 du code de commerce. Elle rappelle clairement que :
« Il résulte de l’article R. 621-21 du code de commerce que le recours contre l’ordonnance du juge-commissaire, statuant sur une contestation de la liste des créances prévues au I de l’article L. 622-17 du code de commerce en application de l’article R. 642-39 du même code, doit être porté devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective et non devant la cour d’appel, seul le jugement rendu sur ce recours étant susceptible d’appel. »
La Cour de cassation relève qu’en accueillant positivement la demande de l’URSSAF, alors que la voie d’appel n’était pas ouverte à l’encontre de cette ordonnance, les juges du fond auxquels il incombait de relever d’office cette fin de non-recevoir ont violé les textes susvisés.
Conséquences pratiques pour les créanciers
Cette décision, bien que technique, emporte des conséquences pratiques considérables pour les créanciers impliqués dans une procédure collective.
Une vigilance accrue quant aux voies de recours
La première leçon à tirer de cet arrêt est que les créanciers doivent faire preuve d’une vigilance particulière quant au choix de la juridiction compétente pour contester une décision du juge-commissaire. L’erreur sur ce point est sanctionnée par une fin de non-recevoir que le juge peut relever d’office, entraînant l’irrecevabilité définitive du recours si les délais pour saisir la juridiction compétente sont expirés.
Un formalisme rigoureux justifié par les enjeux de la procédure collective
Si cette rigueur procédurale peut sembler excessive, elle se justifie par la nécessité d’assurer la sécurité juridique et la célérité de la procédure collective. En effet, l’admission des créances conditionne la répartition du produit de la réalisation des actifs du débiteur entre ses différents créanciers.
Dans ce contexte, le législateur a choisi de confier au tribunal de la procédure collective, qui dispose d’une vision globale de la situation du débiteur, l’examen des recours contre les ordonnances du juge-commissaire, avant que la cour d’appel ne puisse éventuellement être saisie.
Que faut-il retenir ?
Quelle est la voie de recours contre une ordonnance du juge-commissaire en matière de contestation de créance ?
Le recours contre une ordonnance du juge-commissaire statuant sur une contestation de créance doit être porté devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire selon les cas), et non directement devant la cour d’appel. Cette règle, prévue par l’article R. 621-21 du code de commerce, s’applique à toutes les procédures collectives.
Que risque un créancier qui se trompe de juridiction ?
L’erreur sur la juridiction compétente est sanctionnée par une fin de non-recevoir que le juge peut relever d’office. Si cette fin de non-recevoir est constatée après l’expiration des délais pour saisir la juridiction compétente, le créancier perd définitivement la possibilité de contester l’ordonnance du juge-commissaire, ce qui peut entraîner l’impossibilité de faire reconnaître tout ou partie de sa créance.
Les juges du fond peuvent-ils passer outre cette règle procédurale ?
Non, comme le rappelle fermement la Cour de cassation dans son arrêt du 26 mars 2025, les juges du fond ont l’obligation de relever d’office la fin de non-recevoir résultant de l’inobservation des règles de compétence en matière de recours contre les ordonnances du juge-commissaire. Ces règles sont d’ordre public et s’imposent tant aux parties qu’aux juridictions.
Comment sécuriser la procédure de contestation d’une créance en procédure collective ?
Pour sécuriser la procédure de contestation d’une créance en procédure collective, il est recommandé de :
- Vérifier précisément les règles de compétence applicables en fonction de la nature de la décision contestée
- Respecter scrupuleusement les délais de recours, qui sont généralement courts en matière de procédures collectives
- Consulter un avocat spécialisé en droit des entreprises en difficulté dès réception d’une ordonnance défavorable du juge-commissaire
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