La responsabilité des dirigeants de sociétés en liquidation judiciaire est un enjeu crucial du droit des entreprises en difficulté. Lorsqu’une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif est établie, le dirigeant peut être condamné à supporter tout ou partie de cette insuffisance sur le fondement de l’article L. 651-2 du Code de commerce. Parmi les fautes susceptibles d’être retenues figure la poursuite d’une activité déficitaire. Pour autant, la seule augmentation des dettes sociales ne saurait caractériser à elle seule une telle faute. C’est ce que vient rappeler la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 11 décembre 2024 (Com. 11-12-2024 n° 23-19.807), en censurant une cour d’appel qui avait déduit la poursuite d’une activité déficitaire du seul constat d’un accroissement du passif.
En l’espèce, le dirigeant d’une société de BTP en liquidation judiciaire avait été condamné à combler le passif social par une cour d’appel. Pour caractériser la faute de gestion tenant à la poursuite d’une activité déficitaire, les juges du fond s’étaient fondés sur une série d’éléments : le non-paiement de cotisations sociales dans les mois précédant l’ouverture de la procédure collective, l’inscription de privilèges au profit de la sécurité sociale et de l’Urssaf, le non-paiement de dettes fiscales, et surtout l’accroissement des dettes de plus de 220 000 € entre les deux derniers exercices clos avant la liquidation.
La Cour de cassation censure cette analyse au motif que ces éléments, et notamment le seul constat d’une augmentation des dettes sociales, sont insuffisants pour caractériser la poursuite fautive d’une activité déficitaire.
D’une part, elle rappelle qu’une augmentation du passif n’est pas nécessairement synonyme de déficit. Une société dont les dettes s’accroissent peut demeurer bénéficiaire si dans le même temps son actif augmente d’autant, voire davantage. La variation des dettes, prise isolément, ne renseigne donc pas sur la rentabilité réelle de l’activité.
D’autre part, l’arrêt s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence bien établie quant aux critères de la faute consistant à poursuivre une exploitation déficitaire.
Cette faute, pour être caractérisée, suppose que le dirigeant ait eu conscience de l’impossibilité de redresser les comptes de la société et qu’il se soit néanmoins obstiné à poursuivre l’activité. Il ne suffit donc pas de constater des pertes ou une dégradation de la situation financière. Encore faut-il que ces difficultés aient revêtu un caractère irrémédiable dont le dirigeant ne pouvait qu’avoir connaissance.
Le critère déterminant est celui de la perte de chance de redressement. Ne commet pas de faute le dirigeant qui maintient l’activité, même déficitaire, tant qu’il peut raisonnablement espérer un retour à meilleure fortune. Ce n’est que lorsque tout espoir est perdu, et que la poursuite ne peut mener qu’à un creusement du passif, que sa responsabilité peut être engagée.
Que faut-il retenir ?
La seule augmentation des dettes sociales suffit-elle à caractériser la faute de gestion consistant à poursuivre une activité déficitaire ?
Non, la poursuite d’une activité déficitaire susceptible d’engager la responsabilité du dirigeant ne peut résulter du seul constat d’un accroissement du passif social. Un déficit suppose que l’augmentation des dettes ne soit pas compensée par une hausse au moins équivalente de l’actif.
Quels sont les critères de la faute de gestion consistant à poursuivre une exploitation déficitaire ?
Cette faute suppose que le dirigeant ait eu conscience du caractère irrémédiable des difficultés et de l’impossibilité de redresser les comptes, et qu’il se soit néanmoins obstiné à poursuivre l’activité. Le critère déterminant est la perte de chance de redressement de l’entreprise.
Le dirigeant est-il fautif du seul fait de la dégradation de la situation financière de l’entreprise ?
Non, la responsabilité du dirigeant ne saurait être engagée du seul fait des difficultés financières de la société, sauf à verser dans une responsabilité objective décourageant toute prise de risque. C’est au regard de la perte de chance de redressement et des diligences accomplies pour surmonter les difficultés que doit s’apprécier son éventuelle faute de gestion.
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