Votre entreprise traverse une période difficile. Pour la maintenir à flot, vous lui prêtez de l’argent, vous renoncez temporairement à certaines créances que vous détenez sur elle, ou vous mettez à sa disposition des locaux sans exiger de loyer. Votre objectif est louable préserver l’activité économique. Malheureusement, malgré vos efforts, votre société fait l’objet d’une procédure collective. C’est alors que le liquidateur judiciaire demande l’extension de cette procédure à votre patrimoine personnel, invoquant une confusion des patrimoines.
Cette situation, longtemps considérée comme exceptionnelle, est devenue une réalité pour de nombreux dirigeants d’entreprise.
En tant que cabinet d’avocats dédié au droit des affaires à Montpellier, nous accompagnons les dirigeants confrontés à ces situations délicates où leur patrimoine personnel se trouve menacé par les difficultés de leur entreprise.
Quand peut-on étendre une procédure collective au dirigeant d’une société ?
L’extension d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) à une autre personne que le débiteur initial est prévue par des dispositions spécifiques du code de commerce. Cette extension peut viser le dirigeant, un associé ou toute autre personne physique ou morale.
Deux conditions principales peuvent justifier cette extension :
- La fictivité de la société, c’est-à-dire lorsque la société n’a pas d’existence réelle et sert uniquement de façade à l’activité personnelle du dirigeant
- La confusion des patrimoines, caractérisée par l’existence de relations financières anormales entre la société et une autre personne
Ce qu’il faut retenir : La récente décision de la Cour de cassation (Com. 26 mars 2025, n° 24-10.254) précise qu’une procédure de liquidation judiciaire peut être étendue en cas de confusion des patrimoines sans qu’il soit requis la commission d’une faute de la part de la personne visée par l’extension.
Concrètement, même si vous avez agi dans l’intérêt de la société, par exemple en ne réclamant pas des loyers dus par celle-ci pour préserver sa trésorerie, cette abstention peut être qualifiée de relation financière anormale et justifier l’extension de la procédure collective à votre patrimoine personnel.
Comment les tribunaux caractérisent-ils les « relations financières anormales » ?
La notion de « relations financières anormales » est au cœur du mécanisme d’extension pour confusion des patrimoines. Selon une jurisprudence constante, ces relations sont caractérisées lorsqu’elles sont « incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales ».
Ce qu’il faut retenir : Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation juge que le fait pour un dirigeant de ne pas réclamer les loyers dus par sa société, même dans l’intention de préserver sa survie, peut caractériser une confusion des patrimoines justifiant l’extension de la procédure collective.
Quelles sont les conséquences concrètes de l’extension d’une procédure collective pour un dirigeant ?
L’extension d’une procédure collective à un dirigeant a des conséquences particulièrement graves pour son patrimoine personnel :
- Perte de contrôle sur le patrimoine personnel : L’ensemble du patrimoine personnel est soumis à la procédure, avec dessaisissement en cas de liquidation judiciaire
- Inclusion des dettes personnelles : Tous les créanciers personnels deviennent partie à la procédure et doivent déclarer leurs créances
- Application des mêmes règles procédurales : Les interdictions bancaires, l’interdiction de gérer et autres mesures applicables dans le cadre de la procédure collective s’appliquent également au dirigeant
- Risque de cession des biens personnels : En cas de liquidation judiciaire, les biens personnels du dirigeant peuvent être cédés pour désintéresser les créanciers
Ce qu’il faut retenir : L’extension de la procédure collective ne doit pas être confondue avec l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif (article L. 651-2 du code de commerce) qui, elle, nécessite la preuve d’une faute de gestion. L’extension peut être prononcée même en l’absence de toute faute, sur le seul constat de relations financières anormales.
Comment sécuriser les relations financières entre le dirigeant et sa société ?
Pour éviter que des gestes de soutien envers votre société ne se transforment en risque pour votre patrimoine personnel, plusieurs précautions doivent être prises :
- Formaliser toute relation contractuelle entre vous et votre société : bail commercial, contrat de prêt, convention de compte courant, etc.
- Respecter scrupuleusement les termes de ces contrats : percevoir effectivement les loyers, les intérêts et remboursements prévus
- Documenter et justifier toute décision dérogatoire : si vous accordez un délai de paiement ou une remise, formalisez cette décision par écrit (procès-verbal d’assemblée générale, avenant contractuel)
- Établir des conditions de marché pour toutes les transactions entre vous et votre société
- Tenir une comptabilité rigoureuse distinguant clairement ce qui relève de la société et ce qui relève de votre patrimoine personnel
Ce qu’il faut retenir : Si vous souhaitez soutenir financièrement votre société en difficulté, privilégiez des mécanismes juridiquement sécurisés comme l’augmentation de capital ou les apports en compte courant correctement formalisés, plutôt que des abandons informels de créances qui pourraient être qualifiés de relations financières anormales.
FAQ – l’extension des procédures collectives
Qu’est-ce que la confusion des patrimoines en droit des procédures collectives ?
La confusion des patrimoines est une situation juridique caractérisée par des relations financières anormales entre deux personnes, rendant impossible la distinction entre leurs actifs et passifs respectifs. Elle justifie l’extension d’une procédure collective d’une personne à l’autre, permettant ainsi de traiter les deux patrimoines comme un seul.
L’extension de procédure collective est-elle possible pour toutes les formes de sociétés ?
Oui, l’extension est possible quelle que soit la forme juridique de la société (SARL, SAS, SA, etc.).
Comment distinguer l’extension de procédure collective de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ?
L’extension de procédure collective pour confusion des patrimoines ne nécessite pas la preuve d’une faute du dirigeant, contrairement à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif (art. L. 651-2 du code de commerce) qui exige la démonstration d’une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif.
Un dirigeant peut-il encore soutenir financièrement sa société en difficulté sans risque d’extension ?
Oui, mais ce soutien doit être juridiquement formalisé et respecter les conditions de marché. Les apports en compte courant d’associé, les augmentations de capital ou les abandons de créances dûment documentés et justifiés par l’intérêt social présentent moins de risques que des relations financières informelles ou anormales.
Nos avocats spécialisés en droit des entreprises en difficulté sont à votre disposition pour une première consultation. Contactez notre cabinet pour bénéficier d’un accompagnement personnalisé et préserver au mieux vos intérêts.
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