La cession d’un droit au bail commercial est une opération courante, permettant au locataire de transmettre ses droits à un tiers. Cependant, lorsque cette cession est irrégulière, les conséquences peuvent être lourdes, tant pour le cédant que pour le cessionnaire. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juillet 2024 (Civ. 3ème, 4 juillet 2024, n° 23-13.822) illustre l’étendue de la garantie d’éviction due par le cédant au cessionnaire en cas de cession irrégulière du droit au bail.
Dans l’affaire en question, une société, locataire de locaux commerciaux, avait cédé son droit au bail par acte sous seing privé en septembre 2015 : cette cession était irrégulière. Le bailleur a donc demandé et obtenu la résiliation judiciaire du bail aux torts de la société cédante, avec effet en avril 2016. La cédante a été condamnée à payer des loyers et indemnités d’occupation.
En octobre 2018, la cédante a délivré à la cessionnaire un commandement de quitter les lieux, que cette dernière a fait le 30 octobre 2018. La cessionnaire a alors assigné la cédante en indemnisation de son préjudice sur le fondement de la garantie d’éviction. En réponse, la cédante a demandé reconventionnellement le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’elle avait dû payer au bailleur pour la période d’occupation des locaux par la cessionnaire, soit du 1er octobre 2015 au 30 octobre 2018.
La cour d’appel a rejeté la demande de la cédante, décision confirmée par la Cour de cassation. Pour fonder sa décision, la Haute Cour s’est appuyée sur l’article 1630 du code civil, qui dispose que “Lorsque l’acheteur a été évincé ou troublé par une action, soit hypothécaire, soit en revendication, il a droit à un recours en garantie contre le vendeur”.
La Cour en déduit que lorsque le cédant d’un droit au bail est tenu de garantir le cessionnaire de l’éviction du bail qu’il subit du fait que le bailleur lui dénie la qualité de locataire en raison de l’inopposabilité de la cession, il ne peut pas pour autant obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’il a dû payer au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé les locaux sans faute.
En effet, la cour d’appel avait relevé que la cédante était seule et entièrement responsable de l’éviction de la cessionnaire et qu’elle devait l’en garantir. La cessionnaire avait d’ailleurs quitté les locaux dès que la décision prononçant la résiliation du bail lui avait été signifiée. Dans ces conditions, la demande de remboursement formée par la cédante à l’encontre de la cessionnaire ne pouvait qu’être rejetée.
Que faut-il retenir ?
Que se passe-t-il lorsqu’une cession de droit au bail commercial est irrégulière ?
Lorsqu’une cession de droit au bail commercial est irrégulière, le bailleur peut en demander la résiliation aux torts du cédant. Ce dernier est alors tenu de garantir le cessionnaire de l’éviction qui en résulte, sur le fondement de l’article 1630 du code civil.
Le cédant peut-il demander au cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’il a dû payer au bailleur ?
Non, si le cessionnaire a occupé les locaux sans faute jusqu’à son éviction, le cédant ne peut pas lui réclamer le remboursement des sommes qu’il a dû payer au bailleur pour cette période. Il doit assumer seul les conséquences de l’irrégularité de la cession dont il est responsable.
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