En matière de baux commerciaux, la clause résolutoire permet au bailleur de mettre fin au contrat en cas de manquement du locataire à ses obligations, notamment en cas de non-paiement des loyers. Lorsque cette clause est mise en œuvre, le locataire peut solliciter du juge des référés la suspension de ses effets, en obtenant des délais de paiement. Se pose alors la question de l’autorité de cette décision de référé sur le juge du fond ultérieurement saisi. L’arrêt rendu par la Cour de cassation (Civ. 3ème, 11 juillet 2024, n° 23-16.040) vient apporter des précisions sur ce point, en limitant le pouvoir d’appréciation du juge du fond lorsque des délais ont été accordés en référé.
Dans l’affaire en question, une bailleresse avait délivré à sa locataire un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire stipulée au bail, avant de l’assigner en référé en constatation de l’acquisition de cette clause et en expulsion. L’ordonnance de référé avait constaté l’acquisition de la clause résolutoire, tout en suspendant ses effets au respect par la locataire d’un échéancier d’apurement de sa dette.
Par la suite, invoquant le non-respect de cet échéancier, la bailleresse avait délivré un commandement de quitter les lieux, dont la validité avait été confirmée par la cour d’appel saisie par la locataire. Cette dernière avait alors assigné la bailleresse au fond pour voir annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire ou, subsidiairement, obtenir de nouveaux délais de paiement rétroactifs. Ses demandes ayant été rejetées, elle s’est pourvue en cassation.
La Cour de cassation, au visa de l’article L. 145-41 du Code de commerce, rappelle que lorsqu’une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au locataire des délais pour régler un arriéré de loyers en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le juge du fond saisi ultérieurement, s’il constate que ces délais n’ont pas été respectés, ne peut en accorder de nouveaux.
En l’espèce, la cour d’appel avait exactement énoncé que le juge du fond ne peut accorder rétroactivement des délais de paiement, suspendre les effets de la clause résolutoire et dire qu’elle n’a jamais produit ses effets, après avoir constaté l’apurement de la dette, qu’à la condition que le locataire n’ait pas déjà obtenu des délais en référé. Ayant ensuite relevé que les délais accordés en référé n’avaient pas été respectés par la locataire, elle en avait déduit à bon droit que la clause était acquise et qu’elle ne pouvait octroyer de nouveaux délais, même à titre rétroactif.
Cette solution, conforme à la jurisprudence antérieure (Cass. civ. 3, 2 avril 2003, n° 01-16.834 ; Cass. civ. 3, 15 octobre 2008, n° 07-16.725), vient tempérer le principe selon lequel une ordonnance de référé n’a pas, au principal, autorité de chose jugée. Si le juge du fond saisi aux mêmes fins que le juge des référés n’est pas lié par la décision de ce dernier, il en va différemment lorsque l’instance au fond a un objet distinct.
Que faut-il retenir ?
L’ordonnance de référé constatant l’acquisition d’une clause résolutoire et suspendant ses effets sous réserve du respect de délais de paiement lie-t-elle le juge du fond ultérieurement saisi ?
Oui, si l’ordonnance de référé est passée en force de chose jugée, le juge du fond qui constate que les délais de paiement accordés n’ont pas été respectés ne peut pas en octroyer de nouveaux, même à titre rétroactif.
Sur quel fondement textuel repose cette exception à l’absence d’autorité au principal de l’ordonnance de référé ?
Cette exception semble trouver son fondement dans l’article L. 145-41 du Code de commerce, visé par la Cour de cassation dans ses arrêts sur ce point.
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