L’exception d’inexécution est un mécanisme juridique qui permet à une partie à un contrat synallagmatique de suspendre l’exécution de ses propres obligations lorsque son cocontractant n’exécute pas les siennes. En matière de bail commercial, ce mécanisme permet notamment au locataire de suspendre le paiement des loyers lorsque le bailleur manque à ses obligations, en particulier celle de délivrer et d’entretenir les locaux loués. Cependant, la mise en œuvre de l’exception d’inexécution est strictement encadrée par la jurisprudence. Dans un arrêt du 10 octobre 2024 (Civ. 3, 10 oct. 2024, n° 22-24.395), la Cour de cassation rappelle les conditions dans lesquelles le locataire peut s’en prévaloir pour s’exonérer du paiement des loyers, en présence de locaux vétustes. Cette décision, qui s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence constante, souligne la nécessité pour le locataire de caractériser une impossibilité totale d’exploiter les lieux loués pour justifier la suspension de son obligation de paiement.
En l’espèce, un bailleur avait donné des locaux à bail commercial à une locataire. Celle-ci, après avoir reçu un commandement de payer un arriéré de loyers, avait assigné le bailleur en annulation de ce commandement et en restitution d’un trop-perçu de loyers. Au cours de la procédure, elle avait également sollicité une dispense intégrale du paiement de plusieurs échéances de loyers en raison de l’état de l’immeuble.
La cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 16 septembre 2022, n’avait pas fait droit aux demandes de la locataire considérant qu’elle avait pu jouir des locaux. Cette dernière s’est alors pourvue en cassation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la locataire et approuve la position des juges du fond.
Elle relève que la cour d’appel a souverainement retenu que, nonobstant l’état de vétusté de la façade et de la couverture de l’immeuble constaté par l’expert judiciaire, la locataire avait été en mesure d’exploiter et d’occuper les locaux commerciaux donnés à bail jusqu’au 9 avril 2020. Dès lors, la locataire ne pouvait se prévaloir de l’exception d’inexécution pour manquement du bailleur à ses obligations d’entretien et de réparation, dans la mesure où elle n’était pas saisie d’une demande de réduction de loyer mais seulement d’une demande de dispense intégrale du paiement des loyers.
Cette solution s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle le locataire qui n’a pas été dans l’impossibilité totale d’exercer son activité dans les lieux loués ne peut se prévaloir de l’exception d’inexécution pour s’exonérer du paiement des loyers (Civ. 3, 21 nov. 1995, n° 94-11.806 ; Civ. 3, 31 oct. 1978, n° 77-11.355 ; Civ. 3, 25 juin 2003, n° 01-15.364)
Que faut-il retenir ?
À quelles conditions le locataire commercial peut-il suspendre le paiement des loyers en invoquant l’exception d’inexécution ?
Pour pouvoir se prévaloir de l’exception d’inexécution, le locataire doit démontrer que les manquements du bailleur à ses obligations l’ont placé dans l’impossibilité totale d’exploiter les locaux loués. Une simple gêne ou une utilisation seulement partielle des locaux ne suffisent pas.
La vétusté des locaux loués permet-elle au locataire d’invoquer l’exception d’inexécution ?
La seule vétusté des locaux loués, même constatée par un expert judiciaire, ne suffit pas à justifier la suspension du paiement des loyers par le locataire sur le fondement de l’exception d’inexécution, si elle n’a pas rendu impossible toute exploitation des lieux.
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