L’arrêt commenté
L’article 1843-4 du code civil est une disposition essentielle du droit des sociétés en ce qu’il permet de recourir à un expert pour déterminer la valeur des droits sociaux dans l’hypothèse d’un désaccord entre associés. Que se passe-t-il lorsqu’une partie refuse de communiquer à l’expert les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission ? La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 novembre 2024 (Com., 27 nov. 2024, n° 23-17.536) juge qu’un tel refus caractérise un trouble manifestement illicite, justifiant que le juge des référés ordonne la communication des pièces concernées sur le fondement de l’article 873 du code de procédure civile.
En l’espèce, le capital d’une SAS était détenu à 57% par un associé majoritaire et à 43% par un associé minoritaire, également directeur général. À la suite de la démission de ce dernier de ses fonctions de direction, les statuts prévoyaient la perte de sa qualité d’actionnaire et le rachat de ses actions à un prix fixé par décision collective des associés. L’associé retrayant contestant le prix proposé, il sollicitait en justice, sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil, la désignation d’un expert chargé de déterminer la valeur de titre.
Face au refus de la société et de son associé majoritaire de produire ces documents, l’associé retrayant assignait en référé pour en obtenir la communication forcée. La cour d’appel de Paris, par une décision du 21 avril 2023, faisait droit à cette demande au motif que l’obstruction des défendeurs à la mise en œuvre de l’expertise constituait un trouble manifestement illicite, en ce qu’elle entravait l’exécution d’une décision de justice.
Saisie d’un pourvoi formé par la société et son associé majoritaire, qui contestaient l’existence d’un trouble manifestement illicite dès lors que les pièces réclamées seraient indifférentes à la mission de l’expert, la Cour de cassation rejetait le recours.
En effet, au visa des articles 873 du code de procédure civile et 1843-4 du code civil, la Haute juridiction juge que lorsque les statuts ou conventions liant les parties ne fixent pas de règles de valorisation des droits sociaux, mais en prévoient seulement les modalités, une partie peut se voir enjoindre en référé de communiquer toute pièce que l’expert désigné indique comme nécessaire à sa mission.
Que faut-il retenir ?
Un associé peut-il refuser de communiquer à l’expert de l’article 1843-4 du code civil les documents nécessaires à sa mission ?
Non, dès lors que l’expertise est prévue par les statuts ou une convention en l’absence de règles de valorisation des droits sociaux, les parties sont tenues de communiquer à l’expert, sans délai et sans réserve, tous les éléments d’information propres à lui permettre de remplir sa mission. Un refus injustifié caractérise un trouble manifestement illicite.
Que peut faire l’associé qui se heurte à un refus de communication des pièces utiles à l’expertise ?
L’associé concerné peut saisir le juge des référés, sur le fondement de l’article 873 du Code de procédure civile, pour voir ordonner sous astreinte la communication forcée des pièces nécessaires à l’expertise. Le juge pourra faire droit à cette demande s’il constate que le refus de communiquer caractérise une entrave à l’exécution d’une décision de justice constitutive d’un trouble manifestement illicite.
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