La réticence dolosive sur la situation financière d'une société cédée rend toujours excusable l'erreur provoquée

La Cour de cassation, dans un arrêt du 18 septembre 2024 (Com., 18 sept. 2024, n° 23-10.183), est venue préciser les contours de la réticence dolosive en matière de cession de parts sociales. Cet arrêt rappelle le principe selon lequel la réticence dolosive rend toujours excusable l’erreur provoquée, et ce, même lorsque le cessionnaire est un professionnel expérimenté.

En l’espèce, à la suite d’une cession de parts sociales, le cessionnaire a assigné le cédant en annulation de la cession, arguant que ce dernier avait commis une réticence dolosive sur la situation financière de la société cédée. La cour d’appel avait rejeté cette demande, estimant que l’acheteur, compte tenu de son expérience dans la gestion des sociétés, avait commis une erreur inexcusable en ne se renseignant pas sur la situation financière de l’entreprise (CA Douai, 15 sept. 2022, n° 21/00672).

Le cessionnaire a alors formé un pourvoi en cassation sur le fondement des articles 1137 et 1139 du code civil. Selon ces dispositions, la réticence volontaire d’une partie portant sur une information qu’elle savait déterminante pour son cocontractant constitue un dol et rend toujours excusable l’erreur provoquée.

La Cour de cassation devait donc se prononcer sur le caractère inexcusable de l’erreur provoquée par une réticence dolosive portant sur la situation financière d’une société cédée. Cette question s’inscrit dans le cadre d’un contentieux nourri en matière de réticence dolosive. La jurisprudence avait déjà eu l’occasion d’affirmer que la réticence dolosive rend toujours excusable l’erreur provoquée (Civ. 3ème, 21 févr. 2001, n° 98-20.817), et de reconnaître l’existence d’une telle réticence en cas de dissimulation de la situation financière d’une société cédée (Com., 24 oct. 2000, n° 98-12.120 ; Com., 17 juin 2008, n° 07-15.398).

Toutefois, le développement d’un devoir minimal de s’informer, contrebalançant l’obligation d’information, a pu laisser planer une certaine incertitude en la matière. Les juges sont ainsi amenés à apprécier au cas par cas, en tenant compte notamment de la qualité et des capacités du cocontractant à accéder à l’information.

En l’espèce, la cour d’appel avait relevé l’expérience du cessionnaire dans la gestion des sociétés, celui-ci ayant déjà été gérant d’une société. Elle en avait déduit qu’il pesait sur l’acheteur une obligation renforcée de se renseigner sur la situation financière de la société acquise.

La Cour de cassation casse et annule cet arrêt, estimant que les motifs tirés de ce que le cessionnaire aurait dû se renseigner sur la situation financière de la société avant la cession étaient impropres à exclure l’existence d’une réticence dolosive, laquelle rend toujours excusable l’erreur provoquée.

Il appartient donc à la partie qui détient une information déterminante pour son cocontractant de la lui communiquer, sous peine de s’exposer à une annulation du contrat pour dol. La qualité de professionnel de la victime ne saurait suffire à exclure la réticence dolosive, dès lors que l’information dissimulée revêt un caractère déterminant.

Que faut-il retenir ?

Qu’est-ce que la réticence dolosive ?

La réticence dolosive est la dissimulation intentionnelle par l’un des cocontractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Elle constitue un dol au sens de l’article 1137 du code civil.

Quel est l’effet de la réticence dolosive sur l’erreur provoquée ?

Selon l’article 1139 du code civil, l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable. Ainsi, la réticence dolosive rend toujours excusable l’erreur provoquée chez la victime.

Le devoir de se renseigner du cocontractant peut-il exclure la réticence dolosive ?

Non, la Cour de cassation affirme dans cet arrêt que les motifs tirés de ce que le cessionnaire aurait dû se renseigner sur la situation financière de la société cédée sont impropres à exclure l’existence d’une réticence dolosive. La qualité de professionnel du cocontractant ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une telle réticence.

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