L'action paulienne et la charge de la preuve de l'insolvabilité du débiteur

L’action paulienne, prévue à l’article 1341-2 du code civil, permet à un créancier d’agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes effectués par son débiteur en fraude de ses droits. C’est ce qu’a récemment rappelé la Cour de cassation (Cass. com. 10-5-2024 n° 22-15.257).

Dans cette affaire, un père de famille, condamné à plus de cinq millions d’euros d’amende pour détention de marchandises importées en contrebande, a procédé avec son épouse à une donation-partage d’un immeuble et de parts détenues dans plusieurs SCI au profit de leurs enfants. L’administration des douanes a demandé que cette donation lui soit déclarée inopposable pour fraude paulienne.

La Cour de cassation a confirmé l’inopposabilité de la donation à l’administration des douanes en précisant les règles relatives à la charge de la preuve. Si le créancier exerçant l’action paulienne doit établir l’insolvabilité apparente du débiteur, c’est à ce dernier qu’il appartient de prouver qu’il dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de l’engagement.

En l’espèce, l’insolvabilité apparente du débiteur résultait de plusieurs éléments : le fondement en principe de la créance douanière à la date de la donation-partage, l’importance de la dette, l’appauvrissement du débiteur causé par la donation intervenue peu après la condamnation en appel, et l’intention de porter atteinte au droit de créance des douanes. De plus, s’agissant d’une donation (acte à titre gratuit), la preuve de la fraude des bénéficiaires n’était pas requise. Enfin, le débiteur n’avait pas soutenu disposer d’un patrimoine suffisant pour faire face à sa dette.

Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence qui a fixé le régime de l’action paulienne. Le créancier doit être titulaire d’une créance fondée en son principe à la date de l’acte attaqué, sans qu’elle ait à être certaine et exigible. L’acte doit avoir entraîné un appauvrissement du débiteur et provoqué ou aggravé son insolvabilité apparente (sauf atteinte à un droit spécial du créancier). Le débiteur doit avoir eu conscience du préjudice causé au créancier. Pour un acte à titre onéreux, le cocontractant doit avoir eu connaissance de la fraude, ce qui n’est pas requis pour un acte à titre gratuit. L’action est rejetée si le débiteur reste en mesure de désintéresser le créancier malgré l’acte attaqué.

Que faut-il retenir ?

Qui supporte la charge de la preuve de l’insolvabilité du débiteur dans le cadre d’une action paulienne ?

C’est au créancier demandeur d’établir l’insolvabilité apparente du débiteur, mais c’est ensuite à ce dernier de prouver qu’il dispose de biens suffisants pour faire face à son engagement.

Quelles sont les conditions pour qu’un acte soit considéré comme ayant entraîné l’insolvabilité apparente du débiteur ? 

L’acte doit avoir provoqué un appauvrissement du débiteur en diminuant son patrimoine, et avoir causé ou aggravé son insolvabilité apparente. Ces conditions sont cumulatives pour un créancier chirographaire mais pas en cas d’atteinte à un droit spécial du créancier.

La preuve de la fraude des bénéficiaires est-elle toujours requise dans le cadre d’une action paulienne ?

Non, cette preuve n’est exigée que pour les actes à titre onéreux. Pour un acte à titre gratuit comme une donation, la fraude des bénéficiaires n’a pas à être démontrée.

En conclusion, cet arrêt de la Cour de cassation apporte un éclairage bienvenu sur la répartition de la charge de la preuve de l’insolvabilité du débiteur dans le cadre d’une action paulienne, tout en rappelant les principes essentiels du régime de cette action fixés par la jurisprudence. Il met en évidence l’importance pour le débiteur de pouvoir justifier de la suffisance de son patrimoine pour échapper à l’inopposabilité d’un acte frauduleux.

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