La Cour de cassation a rendu, le 11 juillet 2024, un important arrêt (Cass. 3e civ., 11 juill. 2024, n° 23-10.013) relatifs aux droits de l’usufruitier de parts sociales d’une société civile immobilière (SCI). La question centrale était de savoir si les statuts d’une SCI peuvent valablement priver un usufruitier du droit de contester tout délibération collective, y compris celle qui serait susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance, à l’exclusion de celles relatives à l’affectation du résultat. Cet arrêt apporte des précisions essentielles sur la portée et les limites des clauses statutaires restreignant les droits des usufruitiers.
Dans cette affaire, les associés d’une SCI avaient décidé lors d’une assemblée générale de distribuer 2 millions d’euros de dividendes aux gérants, puis d’augmenter le capital social. Une associée a contesté ces décisions, invoquant des abus de majorité et des défauts de pouvoir.
La cour d’appel avait déclaré ces usufruitiers irrecevables à agir, en se fondant sur une clause des statuts (art. 19 VIII) qui énonçait que les usufruitiers ne pouvaient contester les décisions collectives, à l’exception de celles portant sur l’affectation des résultats. La cour d’appel n’avait donc pas recherché si les décisions litigieuses étaient susceptibles d’affecter le droit de jouissance des usufruitiers.
La Cour de cassation censure cette décision au visa des articles 578 du code civil (sur le droit de jouissance de l’usufruitier), 31 du code de procédure civile (sur l’intérêt à agir) et 6 § 1 de la CEDH (sur le droit à un recours effectif au juge).
Elle affirme que si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux seuls associés pour les questions autres que l’affectation des bénéfices (Com. 31 mars 2004, n°03-16.694), ils ne peuvent en revanche « priver l’usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance ».
La Haute juridiction considère donc comme illicite une clause statutaire de nature à priver l’usufruitier de son droit de contester des délibérations portant une atteinte directe à sa jouissance. Les juges d’appel auraient dû rechercher concrètement si les décisions contestées (distribution de dividendes et augmentation de capital) étaient de nature à affecter directement le droit de jouissance des usufruitiers, pour déterminer leur recevabilité à agir en annulation.
Que faut-il retenir ?
Les statuts d’une SCI peuvent-ils valablement priver un usufruitier de parts sociales du droit de contester une décision collective affectant directement son droit de jouissance ?
Non, une telle clause statutaire est illicite. La Cour de cassation affirme que l’usufruitier doit pouvoir agir en annulation d’une délibération susceptible de porter une atteinte directe à son droit de jouissance, nonobstant toute clause contraire des statuts. Le droit de contester ce type de décisions collectives relève d’un droit propre de l’usufruitier que les statuts ne peuvent supprimer.
Quelles sont les délibérations collectives qu’un usufruitier peut contester ?
L’usufruitier peut demander l’annulation de toute délibération collective qui serait susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales, et pas uniquement celles relatives à l’affectation des bénéfices. Les juges du fond doivent donc examiner concrètement l’impact potentiel des décisions contestées sur le droit de jouissance de l’usufruitier pour apprécier sa recevabilité à agir.
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