L'exclusion d'un associé de SAS : la Cour de cassation réaffirme le droit de participation au vote

La société par actions simplifiée (SAS) est une forme juridique de société qui offre une grande liberté contractuelle à ses associés dans la rédaction des statuts. Cependant, cette liberté n’est pas sans limites, notamment en ce qui concerne les droits fondamentaux des associés. Parmi ces droits figure celui de participer aux décisions collectives, y compris lorsque ces décisions portent sur l’exclusion d’un associé. Dans un arrêt récent du 29 mai 2024, la Chambre commerciale (Com. 29 mai 2024, n°22-13158) de la Cour de cassation a réaffirmé ce principe, en jugeant qu’une clause statutaire privant un associé de son droit de vote lors de la décision collective portant sur son exclusion est réputée non écrite.

Les faits de l’espèce sont les suivants : une SAS à capital variable comptait parmi ses associés une personne physique et cinq personnes morales. L’un des articles des statuts prévoyait qu’un associé pouvait être exclu par une décision collective des associés, et que l’associé dont l’exclusion était susceptible d’être prononcée ne participait pas au vote relatif à son exclusion. Le 10 octobre 2016, les associés de la SAS, dont l’associé pour lequel l’exclusion était envisagée, se sont réunis en assemblée générale et ont décidé l’exclusion dudit associé sans qu’il ait pu prendre part au vote. L’associé a alors poursuivi l’annulation de cette décision, soutenant qu’elle était irrégulière faute pour lui d’avoir pu participer au vote.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 6 janvier 2022, a rejeté la demande et jugé que la décision d’exclusion était régulière.

La Haute juridiction, au visa des articles 1844 et 1844-10 du code civil et L. 227-16 du code de commerce, a censuré l’arrêt d’appel. Elle a jugé qu’il résulte de la combinaison de ces textes que si les statuts d’une SAS peuvent prévoir l’exclusion d’un associé par une décision collective des associés, toute stipulation de la clause d’exclusion ayant pour objet ou pour effet de priver l’associé dont l’exclusion est proposée de son droit de voter sur cette proposition est réputée non écrite. Dès lors, c’est à tort que la cour d’appel a retenu que les statuts de la SAS avaient pu valablement stipuler que l’associé dont l’exclusion était envisagée ne participait pas au vote.

Cette décision s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle constante de la Chambre commerciale, qui refuse d’admettre que les statuts d’une SAS puissent priver un associé menacé d’exclusion de son droit de vote (Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-16.537 ; Cass. com., 9 juillet 2013, n° 11-27.235 ; Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-14.960). Malgré l’importante liberté statutaire dont bénéficie la SAS, il apparaît donc impossible pour une telle société d’envisager d’exclure un associé tant que ses statuts comportent une clause empêchant sa participation au vote relatif à son exclusion.

Cette position jurisprudentielle peut s’expliquer par la volonté de protéger les droits fondamentaux des associés, et notamment leur droit de participer aux décisions collectives. En effet, l’exclusion d’un associé est une mesure grave, qui porte atteinte à ses droits patrimoniaux et extra-patrimoniaux. Il est donc essentiel que l’associé concerné puisse faire valoir ses arguments et tenter de convaincre les autres associés de ne pas voter son exclusion. Le priver de cette possibilité reviendrait à vider de sa substance son droit de participer aux décisions collectives.

Que faut-il retenir ?

Les statuts d’une SAS peuvent-ils valablement prévoir qu’un associé dont l’exclusion est envisagée ne participe pas au vote relatif à cette exclusion ?

Non, la Cour de cassation considère qu’une telle clause statutaire est réputée non écrite, car elle prive l’associé concerné de son droit fondamental de participer aux décisions collectives, y compris celles portant sur son exclusion.

Cette position jurisprudentielle s’applique-t-elle uniquement aux SAS ?

La décision commentée concerne spécifiquement les SAS, mais la Cour de cassation fonde son raisonnement sur les articles 1844 et 1844-10 du Code civil, qui sont des dispositions générales applicables à toutes les sociétés. La solution est donc transposable.

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