La rupture brutale de la relation commerciale : points de vigilance !
La rupture brutale des relations commerciales établies est une pratique interdite qui vise à protéger les partenaires commerciaux contre les abus de pouvoir et les comportements déloyaux. L’article L.442-1 du code de commerce, siège de cette interdiction, prévoit que toute personne qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage sa responsabilité et est tenue de réparer le préjudice causé par la rupture.
Pour éviter de commettre cette faute, il convient de respecter les points de vigilance suivants :
– La notion de relation commerciale établie :
il s’agit d’une relation stable et durable entre des partenaires commerciaux, qui se manifeste par des échanges réguliers et significatifs. Il n’est pas nécessaire qu’il existe un contrat écrit entre les parties, ni que la relation soit exclusive ou monopolistique. La jurisprudence apprécie au cas par cas l’existence d’une relation commerciale établie en tenant compte de la nature des prestations, de la fréquence et du volume des commandes, de la durée de la relation, etc. Par exemple, la Cour de cassation a considéré qu’il existait une relation commerciale établie entre un fournisseur de produits alimentaires et un distributeur qui commandait régulièrement depuis plus de 10 ans, malgré l’absence d’exclusivité et l’existence d’autres fournisseurs concurrents (Cass. com., 29 janv. 2019, n° 17-18.414).
D’autres exemples : une relation entre un fabricant de jouets et un distributeur spécialisé qui durait depuis 20 ans (Cass. com., 3 févr. 2015, n° 13-25.841), une relation entre un producteur de films et un diffuseur qui s’étalait sur 12 ans (Cass. com., 6 oct. 2015, n° 14-16.898), une relation entre un prestataire informatique et un client qui se poursuivait depuis 9 ans (Cass. com., 4 juill. 2018, n° 16-26.209).
– La notion de rupture brutale :
il s’agit d’une cessation ou d’une réduction significative des relations commerciales sans que le partenaire lésé ait été informé suffisamment à l’avance. La rupture peut être totale ou partielle, c’est-à-dire qu’elle peut concerner l’ensemble ou une partie seulement des prestations fournies par le partenaire. La rupture peut être directe ou indirecte, c’est-à-dire qu’elle peut résulter d’un acte unilatéral du partenaire ou d’une modification substantielle des conditions contractuelles (prix, délais, qualité, etc.). Par exemple, la Cour d’appel de Paris a jugé que constituait une rupture brutale le fait pour un donneur d’ordre de réduire progressivement ses commandes auprès d’un fournisseur jusqu’à les supprimer totalement en quelques mois, sans lui avoir notifié un préavis écrit (CA Paris, 23 nov. 2016, n° 15/02024). D’autres exemples de ruptures brutales sont : le fait pour un client de résilier sans préavis un contrat tacitement reconductible avec un fournisseur (Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-18.351), le fait pour un distributeur de cesser sans préavis ses achats auprès d’un fournisseur après avoir trouvé un autre partenaire (Cass. com., 27 sept. 2017, n° 15-25.457), le fait pour un donneur d’ordre de modifier sans préavis les conditions tarifaires avec son sous-traitant (Cass. com., 5 juin 2019, n° 17-28.416).
– La notion de préavis écrit :
il s’agit d’une notification écrite adressée au partenaire lésé avant la rupture effective des relations commerciales, qui indique les motifs et la date de la rupture. Le préavis doit tenir compte de la durée de la relation commerciale et respecter la durée minimale fixée par les usages du commerce ou par des accords interprofessionnels. A défaut, le préavis doit être d’au moins 18 mois. Le préavis doit être proportionné à l’importance et à la spécificité des prestations fournies par le partenaire. Le préavis doit permettre au partenaire lésé de se reconvertir ou de trouver un autre débouché pour ses produits ou services. Par exemple : un courrier recommandé avec accusé de réception qui indique les raisons économiques de la rupture et la date de cessation des commandes (Cass. com., 14 janv. 2020, n° 18-10.675), un courriel qui précise les motifs de la rupture et le délai accordé pour écouler les stocks (Cass. com., 27 nov. 2019, n° 18-15.631), une lettre qui mentionne les difficultés financières du donneur d’ordre et la durée du préavis conforme aux usages du secteur (Cass. com., 5 févr. 2020, n° 18-21.304).
– La notion de préjudice causé par la rupture :
il s’agit du dommage subi par le partenaire lésé du fait de la rupture brutale des relations commerciales. Le préjudice peut être matériel (perte de chiffre d’affaires, de marge, de clientèle, etc.) ou moral (atteinte à la réputation, à l’image, etc.). Le préjudice doit être direct, certain et actuel. Il doit être évalué en tenant compte des efforts consentis par le partenaire pour fidéliser le donneur d’ordre, des investissements réalisés pour répondre à ses besoins, des difficultés rencontrées pour se reconvertir ou trouver un autre marché, etc. Par exemple, la Cour d’appel de Versailles a accordé à un fournisseur de produits cosmétiques une indemnisation de plus de 2 millions d’euros pour la rupture brutale de ses relations avec un distributeur qui représentait 80% de son chiffre d’affaires, en tenant compte du préjudice financier, du préjudice d’image et du préjudice moral subis par le fournisseur (CA Versailles, 9 sept. 2020, n° 18/06583). D’autres exemples de préjudices causés par la rupture sont : une perte de chiffre d’affaires de plus de 3 millions d’euros pour un fabricant de jouets dont le distributeur avait rompu brutalement les relations (Cass. com., 3 févr. 2015, n° 13-25.841), une perte de marge brute de plus de 500 000 euros pour un producteur de films dont le diffuseur avait cessé sans préavis la diffusion (Cass. com., 6 oct. 2015, n° 14-16.898), une perte de clientèle et d’image pour un prestataire informatique dont le client avait résilié sans préavis le contrat (Cass. com., 4 juill. 2018, n° 16-26.209).
Vous rencontrez une difficulté relative à une rupture brutale ? ; notre cabinet, dédié au droit des affaires et au droit commercial à Montpellier, peut vous conseiller utilement.
N’hésitez pas à prendre rendez-vous !