La vie d’une entreprise -et plus généralement la vie des affaires- rime souvent avec une multitude de partenaires commerciaux ; et la très grande majorité de ces entreprises ignorent que même en l’absence de contrat ou même en présence d’un contrat prévoyant une durée de préavis (par définition acceptée par l’autre partie), la rupture de la relation d’affaires n’est pas « libre ». Elle est enfermée par les critères définis à l’article L.442-1, II du code de commerce qui dispose, pour l’essentiel, que la partie qui désire mettre un terme à la relation d’affaires doit respecter un délai de préavis « suffisant » (qui n’est pas nécessairement le préavis contractuel), à défaut l’autre partie dispose d’une action en responsabilité fondée sur une rupture « brutale » (préavis insuffisant) dont l’objet est de réparer financièrement le délai trop bref qui lui a été laissé pour se réorganiser.
Alors même qu’en matière commerciale la preuve est libre, la Cour de cassation impose à la partie à l’origine de la rupture un écrit, et cet acte doit contenir en son sein la date de rupture de la relation d’affaires, qui seule fait courir le délai de préavis. C’est ce qui a été rappelé aux termes d’un arrêt en date du 20 mars 2024 (Com. 20 mars 2024, n°23-11.505).
Dans cette espèce, un client et son prestataire entretenaient une relation d’affaires stable depuis plus de dix ans, lorsque le premier décidait de mettre en concurrence le second. Aux termes du processus, le client finissait par mettre un terme à la relation d’affaires en adressant une lettre de résiliation et en respectant un délai de préavis de trois mois. Le prestataire évincé assignait au visa des dispositions précitées dès lors que, selon lui, le délai de trois mois n’était pas un « délai suffisant »
Pour s’opposer à cette demande, le cocontractant arguait que la notification de la mise en concurrence, qui induisait une précarité nouvelle et l’incertitude de la poursuite de la relation, manifestait son intention de ne pas poursuivre la relation d’affaires de sorte qu’elle constituait donc le véritable point de départ du délai de préavis (et non la lettre de résiliation). Cet argument est rejeté -sans surprise- par la Cour de cassation qui rappelle que seule un acte contenant la date précise de la rupture, qui seule constitue le point de départ du délai de préavis, est à même d’être conforme aux dispositions précitées.
On soulignera par ailleurs que la notification de la mise en concurrence, qui ne fait qu’induire une éventuelle rupture de la relation d’affaires à l’issue du processus de sélection, ne peut pas s’analyser comme manifestant une volonté de non équivoque de ne pas poursuivre la relation d’affaires.
Que faut-il retenir ?
Qu’exige la loi française concernant la rupture des relations d’affaires ?
La loi française, à travers l’article L.442-1, II du code de commerce, dispose que la partie souhaitant mettre fin à une relation d’affaires doit respecter un délai de préavis suffisant. Ce préavis doit permettre à l’autre partie de se réorganiser pour pallier la fin de cette relation commerciale.
Un préavis contractuel est-il toujours suffisant pour se conformer à la loi ?
Non, même si un contrat entre les parties prévoit un délai de préavis, la loi exige que ce délai soit « suffisant » au regard de la durée et de la nature de la relation commerciale. Un préavis contractuel peut donc être jugé insuffisant si les circonstances exigent un temps de réorganisation plus long pour la partie affectée.
Quel est l’apport de cet arrêt ?
La Cour de cassation, comme illustré dans son arrêt du 20 mars 2024, insiste sur la nécessité d’un écrit formel spécifiant la date précise de rupture pour que le préavis commence officiellement. Une simple notification de mise en concurrence ou une indication de changement futur ne suffit pas.
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