Lorsqu’une partie dispose d’un motif légitime et souhaite pouvoir disposer d’éléments de preuve nécessaires au succès de sa ou ses prétention(s) (acte(s) de concurrence déloyale par exemple), elle peut, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, saisir le juge compétent, aux fins qu’il soit ordonné une expertise judiciaire, une production de document ou, dans des hypothèses bien plus fréquentes en droit des affaires, une saisie non contradictoire de document(s) et/ information(s) essentielles au requérant.
En effet, le requérant a la « faculté » de saisir le juge des référés ou de saisir le juge des requêtes, lorsqu’il est justifié que la mesure ne soit pas prise contradictoirement et ce conformément aux dispositions de l’article 493 du même code.
Cette faculté ouverte au requérant peut potentiellement avoir des conséquences désastreuses pour l’autre partie, notamment en matière de secret des affaires, dès lors qu’en présence d’une ordonnance sur requête mal ficelée, la partie « surprise » par cette procédure pourrait se trouver dans un état proche d’une « perquisition civile », c’est-à-dire une mesure d’investigation générale, radicalement prohibée par la jurisprudence, qui rappelle avec constance que les prévisions de l’article 145 précitées sont strictement encadrées.
Sur la nécessaire justification de la dérogation au principe du contradictoire
L’article 493 précité dispose : « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse » ; l’étude de la jurisprudence nous apprend que la justification de la dérogation au principe du contradictoire ne doit pas (i) revêtir une simple formulation de style telle « la mesure d’instruction in futurum devra être menée suivant la voie non-contradictoire pour ménager un effet de surprise et éviter une collusion entre les parties concernées et/ou que les pièces utiles soient rendues indisponibles ou détruites », au contraire (ii) le requérant a l’obligation de justifier, au regard des faits de l’espèce, ce qui, selon lui, impose que la mesure ne soit pas prise contradictoirement.
Cette nécessité est du reste parfaitement légitime. La partie à qui est imposée cette mesure non contradictoire doit pouvoir, par le biais d’une demande en rétractation, combattre les affirmations contenues dans la requête initiale et notamment celles relatives à la nécessaire dérogation au principe du contradictoire, de sorte que cette justification ne doit pas être factice. Elle doit être parfaitement justifiée afin que l’autre partie puisse la combattre utilement et que le juge puisse exercer pleinement son contrôle.
On ajoutera également que si la requête ne dit mot sur les circonstances (ou qu’il s’agit d’une justification sans lien caractérisé avec les faits de l’espèce), l’ordonnance rendue par le juge des requêtes peut remédier à cette carence. En revanche, si la requête et l’ordonnance sont muettes, la rétractation est assurée !
Mesure d’investigation générale et secret des affaires
Il est constant en jurisprudence que le respect du secret des affaires n’est pas, en soi, un obstacle aux prévisions de l’article 145 précité. En revanche, dès lors que les mesures ordonnées sont disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi, alors l’ordonnance rendue encourt la censure.
En effet, au visa des dispositions précitées, seules peuvent être ordonnées des mesures légalement admissibles, c’est-à-dire des mesures circonscrites dans le temps et dans leur objet ; le juge doit également veiller, notamment lorsqu’il est question de saisies à réaliser sur des supports numériques, que les mots clés retenus dans l’ordonnance sont suffisamment précis et restrictifs et ce pour éviter de capter, très largement, des informations souvent confidentielles et portant une atteinte substantielle au secret des affaires.
L’écueil principal de ces procédures, lorsque la première condition (A) a bien été respectée, est l’absence de garde-fous suffisamment précis : absence de mots clés, mots clés trop larges ou décorrélés du litige excipé ou encore saisie réalisable sur « tous supports » sans aucune distinction.
Le requérant sera donc bien avisé de porter une attention particulière à l’ensemble de ces détails pour éviter une rétractation de son ordonnance, la sanction étant la nullité du procès-verbal de saisie, la restitution des éléments saisis et la destruction de toutes les copies. Le coût de ces procédures étant considérable, la vigilance s’impose.
On soulignera également qu’une entreprise qui subirait telle procédure devra obligatoirement penser à soulever la protection légitime du secret des affaires pour obtenir, non pas la rétractation de l’ordonnance si celle-ci n’est pas réalisable, mais la levée du séquestre des pièces saisies dans des conditions acceptables et protectrices de son « business ».
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