La déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale d’un entrepreneur individuel est un mécanisme protecteur qui vise à mettre ce bien essentiel à l’abri des poursuites des créanciers professionnels. Cependant, cette protection n’est pas absolue et connaît des limites, notamment à l’égard des créanciers titulaires d’une sûreté réelle sur l’immeuble. La question se pose alors de savoir si l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’entrepreneur fait obstacle à la saisie du bien par ces créanciers. Aux termes d’un arrêt en date du 20 novembre 2024 (Com., 20 nov. 2024, n° 23-19.924), la Cour de cassation précise que le créancier hypothécaire auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable conserve la faculté de saisir l’immeuble malgré l’ouverture d’une liquidation judiciaire.
En l’espèce, une société, créancière à titre non professionnel d’un couple en vertu d’un jugement devenu irrévocable, leur avait fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente de leur résidence principale, sur laquelle elle détenait une hypothèque. Quelques mois plus tard, le mari avait été placé en liquidation judiciaire. La cour d’appel de Bordeaux, saisie du litige, avait considéré que si un créancier non professionnel peut en principe réaliser son droit sur un immeuble bénéficiant d’une insaisissabilité légale, l’ouverture de la procédure collective, qui emporte arrêt des poursuites individuelles, faisait en l’occurrence obstacle à la vente forcée du bien, qu’elle analysait comme une action tendant au paiement d’une créance.
La Cour de cassation censure cette analyse au visa des articles L. 526-1 et L. 622-21 du code de commerce.
Elle affirme que le créancier titulaire d’une sûreté réelle, auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable en application du premier de ces textes, peut faire procéder à la vente forcée de l’immeuble, celle-ci ne constituant pas une action prohibée par le second texte en ce qu’elle ne tend pas à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.
La position de la Cour de cassation se fonde sur une lecture combinée des textes régissant l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel et ceux relatifs aux effets des procédures collectives.
D’une part, l’article L. 526-1 du code de commerce, s’il permet à l’entrepreneur de placer sa résidence principale hors d’atteinte de ses créanciers professionnels par une simple déclaration notariée, réserve expressément les droits des créanciers titulaires d’une sûreté réelle sur l’immeuble au jour de la publication de la déclaration. Ces derniers conservent donc la faculté de saisir le bien comme si la déclaration d’insaisissabilité n’existait pas.
D’autre part, si l’article L. 622-21 du même code interdit ou interrompt, à compter du jugement d’ouverture, toute action contre le débiteur tendant à le faire condamner au paiement d’une somme d’argent, il ne fait nullement obstacle aux actions des créanciers visant à la réalisation d’une sûreté réelle. La saisie immobilière diligentée par le créancier hypothécaire échappe donc à la discipline collective, sa finalité étant non pas d’obtenir une condamnation pécuniaire mais de mettre en œuvre le droit réel préexistant sur l’immeuble.
Que faut-il retenir ?
La déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale protège-t-elle le débiteur à l’égard de tous ses créanciers ?
Non, la déclaration d’insaisissabilité ne produit pas ses effets à l’égard des créanciers titulaires d’une sûreté réelle publiée sur l’immeuble antérieurement à la déclaration. Ces créanciers conservent la faculté de saisir le bien comme en l’absence d’insaisissabilité.
L’ouverture d’une procédure collective du débiteur fait-elle obstacle à la saisie de sa résidence principale déclarée insaisissable ?
Cela dépend de la qualité du créancier poursuivant. Si la procédure collective paralyse en principe les poursuites individuelles, le créancier titulaire d’une sûreté réelle antérieure et auquel l’insaisissabilité est inopposable conserve la possibilité de saisir l’immeuble malgré l’ouverture de la procédure, sans avoir à solliciter l’autorisation du juge-commissaire.
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