La récente décision de la Cour de cassation du 19 juin 2024 (Com., 19 juin 2024, n° 22-15.851) apporte un éclairage quant aux conséquences de la renonciation par un conjoint à sa qualité d’associé lors de l’apport de biens communs effectué par l’autre époux à une société.
En l’espèce, un père et son fils avaient constitué un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC). Lors de la création du GAEC, la mère, épouse commune en biens de l’associé fondateur, avait clairement indiqué dans les statuts qu’elle renonçait à la qualité d’associé au titre des apports de biens communs effectués par son mari. Quelques années plus tard, l’épouse a cependant été agréée en qualité d’associée par l’assemblée générale du GAEC, à sa demande.
L’époux a alors contesté la validité de cette entrée de sa femme dans la société et des assemblées générales subséquentes, au motif que la renonciation initiale de son épouse faisait obstacle à ce qu’elle acquière par la suite la qualité d’associé. La cour d’appel lui avait donné raison, en prononçant l’annulation des assemblées litigieuses et la liquidation du GAEC.
Mais la Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement. Au visa de l’ancien article 1134 alinéa 1 du code civil, la chambre commerciale a en effet jugé que si le conjoint qui indique clairement et sans réserves ne pas revendiquer la qualité d’associé ne peut effectivement pas revenir ultérieurement sur cette décision, rien ne s’oppose en revanche à son entrée dans la société postérieurement à cette renonciation, dès lors que les associés ont manifesté leur consentement unanime.
Autrement dit, le fait pour un époux de renoncer expressément à la qualité d’associé lors de l’apport de biens communs ne l’empêche pas définitivement d’entrer dans la société. Une telle entrée reste possible si elle intervient après la renonciation initiale et si elle recueille l’accord unanime des associés. La renonciation à la qualité d’associé n’équivaut donc pas à une renonciation perpétuelle et irrévocable à entrer un jour dans la société.
La Cour de cassation rejette ainsi le moyen qui tendait à dire que le fait de ne pas revendiquer la qualité d’associé lors de la constitution de la société n’implique pas la renonciation à se prévaloir à l’avenir de l’option prévue par l’article 1832-2 du Code civil permettant à chaque époux de devenir associé pour la moitié des parts souscrites ou acquises par son conjoint avec des biens de communauté. Une fois la renonciation exprimée clairement et sans réserve, le conjoint ne peut plus unilatéralement se prévaloir de cette option légale. Mais il conserve la possibilité d’entrer dans la société avec l’accord des associés.
Que faut-il retenir ?
Un époux ayant renoncé expressément à la qualité d’associé lors de l’apport de biens communs peut-il malgré tout entrer ultérieurement dans la société ?
Oui, à condition que son entrée intervienne postérieurement à sa renonciation initiale et qu’elle soit approuvée à l’unanimité par les associés. La renonciation à la qualité d’associé empêche le conjoint de revenir de lui-même sur cette décision, mais ne constitue pas un obstacle définitif à son entrée dans la société s’il obtient l’accord de tous les associés.
La renonciation à la qualité d’associé équivaut-elle à une renonciation définitive à l’option légale permettant à chaque époux de devenir associé pour la moitié des parts souscrites par son conjoint ?
Oui, dès lors que cette renonciation a été exprimée clairement et sans réserve lors de l’apport effectué par le conjoint. L’époux renonçant ne peut plus se prévaloir unilatéralement de l’option légale de l’article 1832-2 du Code civil après une telle renonciation. Son entrée dans la société reste néanmoins possible avec l’agrément unanime des associés.
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