Le bail rural est un contrat qui unit étroitement le preneur au bailleur. Ce lien intuitu personae explique que le législateur ait strictement encadré les possibilités pour le preneur de céder son bail, en subordonnant cette cession à l’autorisation expresse du bailleur ou, à défaut, à une autorisation judiciaire. L’arrêt rendu par la Cour de cassation (Civ. 3ème 11 juillet 2024, n° 22-13.592) vient rappeler la rigueur de ce principe.
Dans l’affaire en question, un bail rural écrit portant sur 51 parcelles avait été conclu en 1981. En 2008, ce bail avait été cédé partiellement à hauteur de 25 parcelles, le preneur confiant l’exploitation d’une partie d’entre elles à son neveu. En 2019, les propriétaires avaient saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’une demande de résiliation du bail pour cession prohibée concernant ces 25 parcelles.
Déboutés en première instance, les propriétaires avaient interjeté appel, invoquant la violation par le preneur de l’article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime. Mais la cour d’appel avait considéré que l’effet novateur d’un bail rural verbal entre le bailleur et le neveu cessionnaire à compter de 2008 sur les parcelles litigieuses rendait sans objet la question de la régularité de la cession partielle intervenue cette même année au profit du neveu du preneur. Ce nouveau bail verbal aurait ainsi purgé la cession partielle irrégulière du bail rural entre l’oncle et le neveu.
La Cour de cassation censure cette analyse. Elle rappelle que selon l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie d’une contravention à l’article L. 411-35. Or, en l’espèce, la cour d’appel avait bien constaté une cession partielle du bail au profit du neveu du preneur, sans en tirer les conséquences légales.
L’agrément du bailleur à la cession doit être exprès. À défaut, le preneur peut solliciter une autorisation judiciaire de céder son bail, qui se substitue alors à l’agrément du bailleur, sous réserve que toutes les conditions légales soient remplies. Mais un simple agrément tacite, que la cour d’appel avait cru pouvoir déduire en l’espèce de l’encaissement des loyers par le bailleur pendant presque une décennie, est inefficace.
Que faut-il retenir ?
Un preneur peut-il céder librement son bail rural à son neveu ?
Non, toute cession de bail rural, même partielle, est subordonnée à l’autorisation expresse du bailleur ou, à défaut, à une autorisation judiciaire. Une cession au neveu du preneur sans cette autorisation est prohibée.
Quelles sont les conséquences d’une cession prohibée ?
Une cession de bail rural intervenue en violation de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime peut justifier la résiliation judiciaire du bail dans son entier, sans que le bailleur n’ait à justifier d’un préjudice.
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