La décision commentée
Le droit de préemption de la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) est un outil essentiel de régulation du marché foncier agricole. Lorsque la SAFER exerce ce droit en révisant le prix à la baisse, le propriétaire dispose de plusieurs options, dont celle de saisir le juge pour obtenir la fixation judiciaire du prix. Mais qu’en est-il de la faculté de renoncer purement et simplement à la vente en cours de procédure ? Dans un arrêt en date du 28 novembre 2024 (Civ. 3, 28 nov. 2024, n° 23-18.746), la Cour de cassation apporte une réponse claire à cette question : le propriétaire qui a saisi le tribunal pour réviser le prix peut, à tout moment et sans formalisme particulier, retirer le bien de la vente, y compris avant que le juge ait statué.
En l’espèce, un couple de propriétaires avait régularisé en juillet 2010 un compromis de vente portant sur des parcelles agricoles, pour un prix net vendeur de 490 000 euros. Informée de ce projet, la SAFER avait notifié aux vendeurs son intention de préempter en révisant le prix à 307 000 euros. Les propriétaires avaient alors assigné la SAFER en annulation de la préemption et, subsidiairement, en révision judiciaire du prix, avec demande d’expertise. Après diverses péripéties procédurales, un rapport d’expertise avait été déposé fin 2014. Mais en mai 2015, la propriétaire survivante avait demandé au juge de la mise en état de constater son désistement de l’instance manifestant ainsi sa volonté de ne plus vendre.
Estimant que ce retrait n’était plus possible après l’expiration du délai de six mois suivant sa notification de préemption, la SAFER avait poursuivi la procédure pour faire constater la perfection de la vente à son profit. Elle avait obtenu gain de cause devant les juges du fond, la cour d’appel d’Angers ayant notamment retenu que la décision de retrait aurait dû être notifiée à la SAFER par le notaire dans le délai légal (CA Angers, 9 mai 2023).
C’est cette analyse que vient censurer la Cour de cassation au visa des articles L. 143-10 et R. 143-12 du code rural et de la pêche maritime.
La Haute juridiction énonce que lorsque le vendeur a saisi le tribunal en révision du prix dans le délai de six mois suivant la notification de préemption, il peut, à tout moment de la procédure et avant même que le juge ait statué sur la valeur vénale du bien, retirer celui-ci de la vente, sans avoir à recourir au notaire pour en informer la SAFER.
Que faut-il retenir ?
Le vendeur qui a saisi le juge pour fixer le prix de préemption de la SAFER peut-il renoncer à la vente en cours de procédure ?
Oui, la Cour de cassation affirme que le vendeur peut, à tout moment de la procédure de fixation du prix de préemption et avant même que le juge ait statué, retirer le bien de la vente.
Cette décision de retrait doit-elle être notifiée à la SAFER par le notaire, comme le prévoient les textes ?
Non, la Cour de cassation juge que le vendeur n’est pas tenu de recourir au notaire pour informer la SAFER de son retrait, dès lors que sa volonté de ne plus vendre est dépourvue d’équivoque.
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